La bibliothèque de l'université allait bientôt fermer ses portes et comme toujours, j'étais celle qui devait s'assurer que tous les livres se trouvaient à leur place. Je n'étais encore pas très bien habituée à ce travail, mais je faisais de mon mieux pour le faire le mieux possible. J'avais besoin de cet argent pour vivre et pour acheter certaines choses à mon petit frère. Rien n'était assez bon pour lui. Quoiqu'il me dise, je ferai toujours plus pour lui. Toujours est-il que ce jour-là, je suis partie plus tôt, chose que je ne fais pas souvent. Mais je devais retrouver Mike chez les Lambda Gamma et j'étais déjà en retard. Je ne lui avais pas précisé à quelle heure je le retrouverais, mais tout de même, il se faisait tard. Heureusement pas assez tard pour que le centre où se trouvaient mon frère et sa sœur ne ferme mais quand même.

Je suis arrivée dans la salle commune des LG en trombe. Voyant que Mike n'était pas là, je suis vite montée dans ma chambre pour me rafraîchir quelque peu et changer de vêtements. Je voulais être présentable pour Samuel. Après cela, je suis vite sortie pour rejoindre la chambre de Mike. En toquant à la porte, j'ai entendu crier que je pouvais rentrer, chose que j'ai écoutée mais que j'ai suivie non sans gênes. D'après lui, Mike en avait pour une quinzaine de minutes. Je l'ai alors attendu en envoyant un message à mon frère, comme quoi je serai en retard, pour une fois mais que je ferai pardonnée en lui rapportant une surprise. Je n'ai pas osé m'asseoir, alors j'ai continué à jouer avec portable. Après mon frère, ce fut au tour de Matthew de recevoir un message de ma part. Je lui demandais si tout se passait bien à San Francisco. Je me suis même surprise à penser à Adam, mon grand frère. Peut-être se trouvait-il lui aussi là-bas ? Après tout pourquoi pas ? Il pouvait être aussi n'importe où et ça me tuait. Mais j'ai vite repris mes esprits en voyant Mike apparaître. Il eut droit à mon plus beau sourire agrémenté d'un salut joyeux : « Salut. Alors tu es prêt ? » Certes, je n'y allais pas par quatre chemins mais si nous tardions trop, nous allions trouver portes closes et ça, je ne le voulais surtout pas. J'ai attendu que Mike me répond toujours en souriant.

Lorsque Mike fit son apparition, il était encore en serviette. Je n'ai pas tout de suite eu le réflexe de me cacher les yeux, mais il le fit à ma place pour se changer. Lorsqu'il eu terminé, il enleva sa main de mes yeux et nous pûmes rejoindre sa voiture. Il semblait froid et distant et je ne comprenais pas vraiment pourquoi. Mais j'ai laissé ça de côté en le suivant jusqu'à son véhicule. Comme préconisé, j'ai attaché ma ceinture mais ça ne servit à rien du fait que la voiture ne voulut pas démarrer. C'était bien notre chance. Finalement, nous n'allions pas pouvoir rendre visite à notre famille... Malgré tout Mike sortit de la voiture pour aller voir ce qui clochait. face à cela, je restais impuissante. La mécanique et moi n'avions jamais été copines. Voyant qu'il s'était faufilé sous sa voiture, je suis descendue à mon tour pour le rejoindre. A la différente, que je me suis accroupie pour l'observer. Je fus parcourue de frissons en le voyant sans sa chemise. J'ai contrôlé de mon mieux tout ça avant de dire : « Alors, tu as trouvé ce qui ne va pas ? » Je priais pour que oui, je ne voulais pas rester ici alors que j'avais promis à mon frère de le rejoindre. Ça sera la première fois depuis que nous sommes à L.A. que je n'irai pas le voir. Et comme je n'avais pas de voiture, il nous restait l'option du bus, mais même en le prenant maintenant, nous n'arriverions jamais à l'heure au centre. « On peut toujours appeler une dépanneuse non ? » Sa voiture pourrait être réparée mais nous ne verrions pas ceux qu'on aime aujourd'hui. Je me suis relevée en soupirant. Samuel ne m'en voudrait pas de ne pas venir, mais je détestais la simple idée de ne pas lui rendre visite. Mais finalement, ça n'était la faute de personne. Au bout de quelques minutes, j'ai alors abandonné l'idée d'aller rendre visite à mon frère. « Tu sais quoi, laisse tomber. On ira en bus demain. » J'ai attendu qu'il refasse surface avant d'ajouter quoi que ce soit.

Ce qui suivit n'avait rien pour me réjouir. Mike s'obstina à vouloir réparer sa voiture aujourd'hui. Il ne voulait pas rater le rendez-vous fixé avec sa sœur, ce que je cautionnais tout à fait puisque je me trouvais exactement dans le même cas. Cependant, je savais aussi abandonner quand il le fallait. Il ne servait à rien de s'acharner si pour finir, nous n'arrivions pas à réparer la dite voiture. Je n'étais pas du genre à abandonner. Jamais je ne baissais les bras. Mais là, je ne savais pas vraiment ce qui se passait, ce qui m'arrivait... Peut-être était-ce la présence de Mike qui me perturbait à ce point ? C'était grotesque. Je le connaissais depuis toute petite pourquoi changer de regard sur lui maintenant ? Pourquoi après tout ce temps ? Au fond de moi, je connaissais la réponse, mais je ne voulais surtout pas me l'avouer. Mon père avait peut-être tort après tout, Mike n'avait rien d'un dealer ou d'un chef mafieux ou d'un tout autre genre de bad boy. Je ne voulais pas qu'il soit comme ça. Mais comment le saurais-je sans lui poser la question directement ? Ce n'était pas que je me gênait pour le faire, c'est juste qu'après tout ce temps passé loin de l'autre, ce n'était pas vraiment des choses qu'il fallait dire et encore moins poser. Malgré tout, il allait bien falloir que je sache, une bonne fois pour toute. Mais lorsque je l'ai entendu me répondre de façon si sèche, je n'ai pas pu m'empêcher de rétorquer sur le même ton : « Très bien ! » Tout ceci n'annonçait rien de bon. Toutes ces années passées éloignés, à se revoir seulement aujourd'hui et les mots échangés n'allaient pas plus loin que les banalités d'usage, c'était pitoyable. Mike a toujours été comme un grand frère pour moi. Je ne voulais pas que ça change. Mais le voir et le sentir me repousser de la sorte ne me plaisait guère. Même si en y réfléchissant bien, j'y étais pour quelque chose. Alors lorsque Mike alla lui-même chercher les outils dont il avait besoin, je me suis poussée pour le laisser faire. Puis, plus stressée qu'énervée, j'ai repris la parole d'une voix plus posée : « Je vais appeler l'établissement pour les prévenir qu'on risque d'être en retard, ils nous laisseront peut-être les portes ouvertes plus longtemps... » Sans attendre réellement de répondre, j'ai pris mon téléphone et appuyer sur le numéro répertorié de l'établissement en question. Une dame très sympathique me répondit en m'expliquant qu'elle allait appeler le directeur pour savoir si c'était possible. Elle me mit donc en attente, et pendant ce temps, j'ai regardé ce que faisait Mike, qui semblait être retourné sous sa voiture, bien décidé à régler le problème. Au bout d'un moment, la voix de la dame refit son apparition en me confirmant que les portes se fermeront comme à l'accoutumée, et qu'elle en était désolée. J'aurais au moins essayé. Après avoir raccroché, j'ai annoncé la nouvelle à Mike : « Pas de chance, ils ne peuvent pas faire d'exception pour nous, pour nous ou pour quelqu'un d'autre d'ailleurs... » J'ai alors repris ma position accroupie pour ajouter : « Tu comptes avoir fini dans combien de temps ? » Ce n'était pas méchant et le ton de ma voix ne se voulait pas non plus mesquin.
Je me suis finalement assise, ayant mal aux genoux, puis j'ai continué : « Bon, puisque tu a l'air d'en avoir pour un moment, pourquoi ne pas rattraper le temps perdu ? Dis-moi ce que tu deviens. Et par là j'entends est-ce que tu as une petite amie, pas les banalités que mes parents m'ont racontées... » Je n'étais pas du genre à vouloir tout savoir et surtout pas toutes ces histoires de filles du style « est-ce que tu l'aimes ou non ? Et puis tu crois que elle et toi ça va durer longtemps ? » Bien que j'étais curieuse de savoir tout cela en ce qui concerne Mike, je n'allais pas lui poser ces questions telles quelles. J'allais d'abord attendre de savoir si il voulait me répondre ou non. J'avais d'ailleurs peur qu'il me réponde sur le ton méchant et acerbe de tout à l'heure. Mais qui ne tente rien n'a rien non ?

Plus je lui posais des questions, plus je sentais que Mike le prenait mal. Ca venait certainement de moi, mais je le sentais gêné ou plutôt non coopératif. Mais comme je l’ai déjà dit, cela venait peut-être du fait que nous nous revoyions aujourd’hui après des années d’absence. Toujours était-il qu’il avait terminé de réparer son engin avant que je ne lui pose la question. J’espérais réellement qu’il avait réussi, j’avais hâte de voir Samuel. Malgré tout, Mike concéda à répondre à ma question au sujet de sa vie personnelle. J’étais assise devant lui quand il me répondit qu’il n’avait encore pas trouvé l’amour de sa vie. J’ai toujours su que Mike était bisexuel et jamais ça ne m’a dérangé. Alors l’entendre dire qu’il n’avait pas encore trouvé chaussure à son pied me laissa de marbre. Tout du moins extérieurement parlant. A l’intérieur, je grimaçais, j’étais certaine qu’il allait bientôt trouver cette personne qu’il méritait. Mais une question me brûlait encore la langue. Je n’osais pas la lui poser alors que d’ordinaire, rien ne m’arrête. Je me devais tout de même de me contenir. Et puis j’étais gênée de le revoir après tant d’années passées loin de lui. Alors je me suis contentée de lui répondre toujours en ne laissant rien transparaître : « Si tu penses de cette manière, tu ne trouveras probablement personne. Mais je suis certaine que la bonne personne arrivera tôt ou tard. Tu as toujours été la personne sur qui on peut compter et ça pour une fille, je ne sais pas pour la gente masculine mais en tout cas pour les filles, c’est un bon point. La confiance est une chose qu’on ne peut pas laisser de côté. Et penser que tu as toujours été un « zéro en amour » est complètement fou. Il suffit juste d’ouvrir son cœur. Je sais que ça peut paraître désuet et complètement idiot de dire une chose pareille mais si tu laisses une femme ou un homme bien te connaître, le grand amour frappera à ta porte bien plus vite que tu ne le penses. » Je venais de me laisser complètement embarquée par ma vision des choses. Parler de cette façon à Mike m’était déjà arrivé, bien sur. Et si je me permettais de dire toutes ces choses, c’était justement parce qu’il s’agissait de Mike. Jamais je n’aurais dit toutes ces choses à quelqu’un que je ne connaissais pas. Je ne savais pas si Mike allait bien prendre la chose ou non, mais c’était dit, je ne pouvais plus revenir en arrière. Je me suis alors levée, et j’ai essuyé rapidement mon pantalon, avant d’ajouter d’un ton plus solennel : « On peut y aller maintenant alors. » Je me contenais pour ne pas lui pose la question que me tarabustait depuis tout à l’heure. Mais ça devenait de plus en plus difficile de ne rien dire. J’ai alors décidé de la lui poser quand même. Après tout, autant être fixée maintenant que de se baser sur des « on dit » probablement faux. J’ai alors pris un long bol d’air frais avant de me lancer… « Mike... J’ai quelque chose à te demander mais je ne sais pas vraiment comment le faire… C’est assez délicat… Tu sais comment est mon père, maman aussi remarque mais… Enfin, c’est… Est-ce que tu es un dealer ? » Ca y est, c’était dit, ou plutôt demandé. J’appréhendais sa réponse et croisais les doigts pour que mes parents se trompent. Mike ne ferait pas une chose pareille, c’était impossible… Toujours était-il que mon estomac se retrouvait noué et mes battements cardiaques dansaient au rythme d’un twist effréné. Je tenais beaucoup à Mike, plus que de raison. Il a toujours été mon héros, il a sauvé mon père au risque de perdre la vie et je ne le remercierai jamais assez pour ça. Mais si il me répondait que oui, il était lié de près ou de loin à des affaires de drogues, je ne promettais rien de ma réaction…

Mike n'avait pas du tout la même vision que moi au sujet de l'amour. Il n'y croyait pas plus que cela alors que de mon côté, j'ai toujours pensé qu'il existait une personne pour chacun, son âme sœur. Même si j'ai cru perdre mon âme sœur en quittant New York pour rejoindre Los Angeles. Il était tout pour moi et nos chemins se sont séparés, cruel destin... Mais il faut faire avec et j'ai pris l'habitude de ne plus en parler. C'est autre chose quand il s'agit de penser, mais je fais aussi avec, je n'ai pas le choix. Alors parler d'amour comme ça avec Mike, ça a quelque chose d'étrange et de douloureux. Mais la partie « douloureuse » se retrouverait avec n'importe qui d'autre car je penserais inévitablement à celui que je croyais être mien... Mais le temps m'aidera, je compte là-dessus... En attendant, j'ai écouté Mike me répondre à ce sujet et sa vision des choses me faisait mal. Il croyait ne pas être « bon » pour l'amour. Certes, je ne suis pas non plus une idiote qui pense que le monde est ou tout noir ou tout blanc. J'ai bien eu le temps de réarranger cette vision là si vraiment je pensais de cette manière. Ce qui n'a jamais été le cas. Mais entendre Mike dire qu'il tombait toujours amoureux de la mauvaise personne me fit grimacer. Il se plaisait à être célibataire d'après lui, j'espérais que ça ne cachait rien d'autre et qu'il disait la vérité. Et à cela, je n'ai pas pu m'empêcher de répondre : « u dis ça mais je suis sure que c'est faux. On ne peut pas toujours aimer la mauvaise personne. Et puis c'est quoi la mauvaise personne au fond... Enfin bon, si tu te plais célibataire, tant mieux. Et on est deux dans ce cas là ! » Pour le moment tout du moins. Je n'étais cependant pas prête à m'engager dans une tout autre relation. J'avais encore bien trop mal...
Je lui ai tendu sa chemise en prenant bien soin de ne pas trop laisser mes yeux s'attarder sur son torse nu, chose qui n'était pas aussi simple qu'il y paraissait... Puis une fois debout, Mike répondit à la question qui me brûlait les lèvres depuis le début. Il parut surpris que je lui pose une telle question, mais autant en avoir le cœur net non ? Et même si je m'attendais à pire comme réponse, je ne fus pas contente de ce qu'il dit. Il consommait quand même de la drogue ? En même temps, il a été honnête sur ce point, même si j'avais encore des doutes sur le fait qu'il n'en dealait pas. Pourquoi papa aurait-il de tels soupçons si ça n'était pas avéré ? Pour le moment, j'ai décidé de faire confiance à celui qui a sauvé la vie de mon père qui est aussi mon ami, mon ami le plus précieux, depuis des années. Malgré tout, je me devais d'être honnête à mon tour envers lui : « Tu me le promets ? » J'ai grimacé avant d'ajouter : « Et pourquoi tu en prends d'ailleurs ? Tu as déjà dû changer de foie tu veux perdre un autre organe à cause de cette merde ?! » Il savait très bien que je n'ai jamais été en faveur de telles substances. Et en parlant, j'imaginais mon frère, Adam en train d'en prendre, ce qui eut pour effet de me donner la nausée. Je me suis cependant contrôlée en attendant une réponse de la part de Mike. Je me suis dirigée près de la portière en l'ouvrant mais j'ai tout de même attendu qu'il réagisse. Je ne voulais pas le vexer ou autre chose de mal, je ne comprenais simplement pas pourquoi les gens s'adonnaient à de telles pratiques.

Si tout était si simple que Mike le disait, la vie ne serait pas aussi prise de tête. Je serais encore avec mon ex-petit ami à l'heure qu'il est et l'amour ne me poserait pas autant de problèmes et de questions. Mais pour en revenir à lui, je persiste : il se trompe. L'amour existe et croire qu'on tombe toujours sur la mauvaise personne n'est pas une façon d'avancer. Bien sur, nous essuyons tous des déceptions amoureuses, si douloureuses soient elles mais delà à dire qu'à chaque fois qu'on souffre, c'est à cause de la mauvaise personne, je n'y crois guère. Mais après tout, j'ai toujours accordé une grande importance à l'avis des autres, je n'allais pas commencé à faire le contraire aujourd'hui et surtout pas avec Mike. Je me suis alors contentée de répondre en grimaçant une énième fois : « D'accord, je veux bien croire que tu puisses penser de telles choses. Même si j'espère réellement que tu te trompes. Et on ne parle pas de moi là, mais de toi. Alors tu verras, un jour ou l'autre, la personne idéale te tombera dessus au moment où tu y attendras le moins. » Je détestais parler de moi, ça a toujours été le cas.

Puis la question fatidique arriva. J'avais osé la lui poser et quoi que sa réponse soit un tant soit peu moins catastrophique que celle à laquelle je m'attendais, elle n'en étais pas moins alarmante. Et même s'il me promettait qu'il n'était pas dealer, le doute persisterait. Pourquoi ? Je ne sais pas, par pur instinct peut-être. Toujours est-il que j'ai choisi de le croire en ne répondant rien là-dessus cette fois-ci. Puis, je n'étais pas encore entrée dans la voiture qu'il m'avoua que prendre de la drogue lui faisait du bien et qu'il venait de subir une autre greffe de foie. J'en suis tombée des nues. Il ne m'a pas fallu longtemps pour vite tirée sa manche de chemise, plus machinalement que parce qu'il venait de me le demander, avant de me retrouver une fois de plus en dehors de la voiture. Je n'arrivais pas à le croire ! Et il m'annonçait ça froidement en plus comme s'il m'avait dit que le prix de la baguette de pain avait encore augmenté ces derniers temps. C'était si anodin pour lui ?! En tout cas, pour moi, ça ne l'était pas. Comment avait-il passé cela sous silence ? Devant la voiture, je me suis surprise à mettre mes mains sur ma tête en signe d'exaspération. Ça faisait trop de révélations d'un coup. Comment voulait-il que je le prenne ? Que je lui saute dans les bras en lui disant un truc du genre « c'est super, tu as encore survécu ! Continue comme ça et tout ira bien ! » Mais j'avais plutôt envie de lui crier dessus un truc plus dans le genre « Bravo ! Continue comme ça et la prochaine fois qu'on se verra ça sera lors de ton enterrement ! » J'exagérais peut-être un peu mais mes nerfs ne me laissèrent pas l'occasion de penser le contraire. Il était allé trop loin et je ne pouvais décemment pas rester stoïque à tant de révélations. J'en avais presque oublié mon frère. Oui bien sur je dis presque parce que jamais je ne le l'oublierai. Alors les bras sur la tête, je me suis mise à parler plus fort que de raison, pas encore à crier car je savais que d'autres pourraient m'entendre et que tout cela ne les regardait en rien. Mais l'exaspération était à son comble. « Tu te rends compte de ce que tu viens de dire ?! C'est carrément dingue ! Et tu, tu dis ça comme si tu étais allé faire ton marché « oh tiens, vous auriez un nouveau foie à me vendre aujourd'hui ? » J'arrive pas à le croire ! » Tout ceci me dépassait. Et franchement, je n'aurais jamais pensé pouvoir réagir cette façon. Toute la pression ressentie lors de sa première transplantation me revint en plein figure. Je croyais avoir dépassé tout cela mais il n'en était rien, absolument rien... Je revoyais mon père allongé sur son lit d'hôpital, Mike à côté de lui se sacrifiant pour lui donner le foie qui lui revenait de droit. Toute cette histoire m'a anéantie mais on s'est relevés, on a tous réussi à avancer et à progresser dans la vie. Mais l'histoire se répétait. Enfin elle venait de se répéter et c'était vraiment une chose que je ne pouvais supporter. Ressentir toute cette pression, toute cette colère m'épuisait au plus haut point mais je n'arrivais pas à la contrôler. Ce qui ne m'arrivait jamais. Repenser à mon père dans cet état ne m'a jamais amenée à réagir de la sorte, pas avant en tout cas... Mais aujourd'hui, c'était différent. Et je n'aurais su dire pourquoi. J'ai essayé de me calmer mais j'avais tellement envie de crier que rien n'y faisait. J'ai tenté de reprendre mon souffle, mais il me fallut bien plus de cinq minutes pour y arriver. Et quand cela fut fait, j'ai baissé les bras pour retrouver mon calme, ou tout du moins un état qui s'y apparentait. Je n'attendais pas réellement de réponse de la part de Mike. J'avais juste besoin d'expulser toute cette tension une bonne fois pour toute. Mais je n'arrivais plus rien à dire. Les mots que je voulais prononcer n'arrivaient pas à franchir la barrière que formait désormais ma bouche. J'étais calme, en apparence, mais à l'intérieur, un vrai volcan faisait rage.

Laissant de côté nos histoires d’amour, ou plutôt celles de Mike, je me suis carrément énervée lorsqu’il m’avoua avoir subi une seconde transplantation de foie. Comment avait-il pu laisser passer ça sous silence ? Mais le pire dans tout cela, c’est qu’il citait cette histoire comme s’il s’agissait d’un fait tout à fait banal, chose que je n’accepterai jamais… Comment pouvait-il prendre les choses aussi facilement ? C’est une chose d’avoir presque perdu la vie une fois, s’en est une autre lorsque le sort frappe une deuxième fois. Comment auriez-vous réagi à ma place ? J’étais si exaspérée, car oui à ce stade, ce n’était plus tellement de la colère mais bien plus de l’exaspération. J’ai commencé à me comporter comme une folle, mais je me fichais pas mal des regards qui auraient pu se poser sur moi. Et même si Mike m’a suivie en dehors de la voiture pour me prendre dans ses bras, comment pouvait-il penser qu’une simple étreinte puisse tout stopper ? Même si je fus bien forcée d’admettre que sentir ses bras tout contre moi ne me faisait pas de mal. Ses mots me firent mal. Comment pouvait-il ne serait-ce qu’un instant penser que sa vie ne valait rien ? Je me suis volontairement dégagée de son étreinte pour lui dire ce que j’avais sur le cœur : « Tu es désolé ?! Pourquoi tu continues à penser de la sorte ? Tu es important Mike, arrête de dire que ta vie ne vaut rien. Elle compte enfin tu comptes ok ? Ne dis plus jamais ça ! » Je ne sais pas pourquoi je prenais tout tellement à cœur. Peut-être parce que Mike a sauvé mon père d’une mort certaine et que je ne pourrai jamais assez le remercier pour ça. Et savoir qu’il aurait pu mourir une fois encore, c’était comme recevoir un boomerang en pleine figure, comme si le ciel me tombait sur la tête une seconde fois… Autant dire que ça ne faisait pas du bien. Il a tout de même fallu que je me reprenne pour ajouter : « Qu’est-ce que tu as fait pour en avoir besoin une seconde fois ? » Ce n’était pas méchant. Je venais de prononcer ces mots de façon calme et dégagée, ou presque. En attendant une répondre, mes mais prenaient appui sur mes hanches. J’ai fait de mon mieux pour reprendre mon souffle bien que je sente que cette histoire était loin d’être terminée…