Ces derniers temps, depuis l'annonce du couple Ellen/Joshua et mon histoire avec Matthew, tout allait de travers et je pétais carrément les plombs. Personne ne connaissait vraiment le pourquoi du comment et à vrai dire, je ne tenais pas à ce quelqu'un ne le sache. Je m'obstinais à me tapir dans l'ombre. Jeremiah était bien passé chez moi l'autre jour pour parler, mais était-ce vraiment ce dont j'avais besoin ? De parler ? Je n'en étais pas certaine et à dire vrai, je ne savais plus grand chose. Et comme je n'avais pas du tout la tête à aller en cours aujourd'hui, je me suis réfugiée dans la cave de l'université. Drôle d'idée me direz-vous. Mais je pensais qu'elle serait beaucoup moins fréquentée que le toit. Et je ne m'étais pas trompée. La cave était déserte et je préférais cela. Je me suis assise dans un coin reculé, de sorte que personne ne me voit si quelqu'un entrait dans la cave à son tour. Un autre point positif à ce lieu, c'est que je ne captais pas. Mon portable affichait « pas de réseau », ce qui pour une fois, me rassura et me plaisait. Mais le silence fut de courte durée puisque comme je l'avais deviné, quelqu'un était entré dans la cave à son tour. J'ai beau eu restée à ma place, bien cachée, ça n'avait pas marché. Quand j'ai vu mon amie Chaïma s'approcher de moi, je lui ai souri pour ne pas lui faire peur et je fus la première à parler : « Tu m'as vue entrer ici... Ça va toi ? » J'essayais de dévier le « ça va » traditionnel de sorte qu'elle ne me ose pas la question mais elle me connaissait assez pour savoir pourquoi j'agissais de la sorte. Je ne voulais cependant pas l'embêter avec mes problèmes pour le moment. Je lui ai alors intimé de s'asseoir à mes côtés pour qu'on puisse parler, si c'était ce qu'elle voulait...

Vania Chaïma, quant à elle, allait de mieux en mieux en ce moment. Plusieurs semaines s’étaient écoulées déjà depuis les retrouvailles entre Jeremiah et elle, retrouvailles qui avaient comblé la jeune femme. Le jeune photographe était en fait le premier amour de Chaïma, qui n’avait jamais pu revivre une relation sérieuse et durable depuis qu’il avait quitté leur pays natal à tous les deux : l’Italie. Désormais, Jeremiah était sans nul doute la personne qui la connaissait le mieux, et sûrement vice-versa. Elle venait de passer un week-end merveilleux à ses côtés, chez lui, et rien ne pouvait ternir son bonheur.
Bref, Chaïma arriva donc le cœur léger à l’université ce matin-là. Elle commençait par deux heures d’histoire de la mode puis, pour terminer la matinée, avait deux heures de modélisme. Les cours se passèrent bien car même si elle ne cessait de penser à Jey’, la jeune femme était réellement passionnée par ses études, le stylisme et tout ça. Elle adorait aussi défiler, « jouer la poupée », comme elle le disait affectueusement. L’entente professeur/élève poussait également les choses à bien aller. Bref, la matinée passa vite, et c’est avec le sourire que Chaïma rentra chez elle pendant la pause de midi. Elle avait prévu, comme d’habitude et étant donné la proximité de son domicile avec l’université, de revenir sitôt le repas terminé. Ainsi, à peine trois quarts d’heure plus tard, la jolie brune refaisait son apparition au sein de l’UCLA, toujours avec un sourire aux lèvres. Elle avait laissé ses longs cheveux bruns onduler sur ses épaules et elle rejoignit un groupe composée d’Alpha Zéta, considérées comme les nanas les plus riches et branchées de l’université. Celles qui attiraient les jalousies des autres confréries féminines et qui allaient souvent de pair avec les Delta Oméga. Mais ce n’étaient que des clichés, certains les confirmeraient, d’autres les infirmeraient. Chaïma salua ses compères, dit bonjour à quelques autres étudiants puis s’avança, seule, vers la bibliothèque étudiante, afin d’y redéposer un livre, emprunté deux semaines auparavant. En sortant, elle crut reconnaître de dos Wendy, son amie et la présidente de la confrérie Alpha Zéta. Chaïma vit qu’elle avait emprunté les escaliers qui menaient à la cave de l’université, et vu l’état d’esprit dans lequel Wendy était en ce moment, cela ne l’étonna pas. Chaïma la suivit donc discrètement, bien que les endroits du style caves et compagnie lui filaient un peu la frousse. Elle fit attention de ne rien faire tomber afin de ne pas effrayer son amie. Elle la trouva enfin, assise dans un coin. Wendy me sourit et me demanda si ça allait. Ensuite, elle lui fit signe de s’asseoir à côté d’elle, ce que Chaïma fit avant de la saluer et de lui répondre : « Oui moi ça va très bien, mais il faut surtout qu’on parle de toi en ce moment. » Chaïma vit déjà que Wendy faisait une moue qui voulait tout dire, c’est pourquoi elle ne lui laissa pas le temps de répondre et renchérit : « Et pas la peine de me dire que tu ne veux pas me déranger, ce n’est pas le cas et il est hors de question que je te laisse comme ça. » Elle accompagna ses dires d’un sourire et avait gardé une voix douce, pour bien que Wendy comprenne que Chaïma voulait vraiment l’écouter et l’aider à aller mieux.

A dire vrai, je ne voulais pas parler. Je n’ai jamais été du genre à décrire ce que je ressentais. Que ce soit dans le domaine de l’amour ou de l’amitié ou tout simplement en ce qui concernait mes différents goûts alimentaires ou vestimentaires. J’ai toujours été, ou tout du moins depuis une certaine époque, la fille qui fonçait et qui ne se posait pas de questions. Dès qu’une interrogation me frôlait l’esprit, je la mettais de côté pour ne jamais la ressortir. J’ai toujours dit qu’il n’y avait pas de problèmes, que des solutions mais aujourd’hui, je mesurais l’idiotie de mes paroles. Ma situation n’était pas sans issue, c’est certain. Mais j’étais tellement désemparée que je ne savais vraiment pas par où commencer. Pour la deuxième fois de ma vie, je ne savais pas du tout ce que j’allais devenir. Il me suffisait pourtant de prendre une décision, bonne ou mauvaise j’en jugerai plus tard, mais là encore, j’en étais bien incapable. Je croyais même que ma tête allait exploser si je continuais à embuer mes neurones de la sorte. Quelque part, je me détestais de ne pas savoir quoi faire, de rester amorphe devant tant de questions… Mais tout s’embrouillait dans mon esprit et aucune idée plausible ne me venait à l’esprit. Autant dire que j’étais dans de beaux draps…

Alors quand Chaïma m’a rejoint, c’est avec un sourire naturel qu’elle m’intima de tout lui dire, de me confier. Si il y avait bien une personne à laquelle je pouvais tout dire, c’était bien Chaïma. Je n’ai jamais eu beaucoup d’amies, mais elle fera toujours partie de ma liste privilégiée. J’ai alors grimacé et répliqué gentiment : « Non mais vraiment, ma vie, c’est vraiment de la merde en ce moment… Et tu as assez à faire avec la tienne pour ne pas que j’en rajoute… » Ca ne me ressemblait pas. Mais alors pas du tout de réagir de la sorte. Normalement, j’aurais trouvé la parade pour passer à autre chose, de manière à ne pas avoir à tout dire. Car oui, elle allait être la première à tout savoir… Et sachant très bien qu’elle n’allait pas lâcher l’affaire, je me suis rendue à l’évidence et fait violence en lui avouant tout… « D’accord, je vais tout te dire... » Je n’ai pas pris la peine d’ajouter un truc du genre “mais promets moi de ne le dire à personne” car je savais pertinemment que Chaïma garderait tout pour elle. Comme je le faisais au sujet de son enfance difficile et du décès de ses parents. Je savais que mes secrets étaient en sécurité avec elle. Et pourtant je ne suis vraiment pas du genre à m’étendre sur mes problèmes ! Bref… J’étais épuisée de tout devoir garder pour moi. Et peut-être que tout dire à mon amie me ferait du bien. J’ai donc pris une longue bouffée d’air frais –bien que finalement, il ne le soit pas tellement- et j’ai commencé… « Je suis enceinte. Matthew est le père et oui, c’est certain que c’est lui et pas quelqu’un d’autre… » Matthew lui-même m’avait fait la réflexion qu’il n’était peut-être pas le père de cet enfant, ou de ce futur enfant… Et il n’a pas eu tort de le souligner. Mais il n’y avait pas de doutes à avoir, il s’agissait bien de lui. De lui et lui seul. D’accord, je couche avec pas mal de mecs mais là, et une fois n’est pas coutume, je ne l’ai fait qu’avec lui. Bref, je vous passe les détails. Mais comme je n’avais pas terminé de tout avouer à mon amie, il me fallut continuer sur ma lancée. « Et tu sais déjà pour Joshua... Enfin pour lui et sa… Et sa copine… » Pourquoi accordais-je autant d’importance à des détails insignifiants ? Parce que justement, il ne s’agissait pas que de détails insignifiants… Je me suis tue et j’ai attendu que Chaïma dise quelque chose. Mais avant qu’elle n’ait pu reprendre la parole, j’ai tout de même voulu ajouter : « Tu vois pourquoi ma vie est si compliquée… Mais vraiment, tu n’as pas à t’inquiéter pour moi… »