Cela faisait maintenant six mois que j'avais perdu deux êtres qui comptaient énormément pour moi. Mes deux enfants ainés ne m'adressaient plus la parole, pas seulement à moi, nous étions quatre personnes dans la même situation. Je savais qu'on devait s'en prendre qu'à nous-même. C'était notre faute si nous étions dans cette situation. On ne pourrait jamais réparer notre erreur. La famille Turner avait perdu leur dernier enfant. Ruby s'avérait être extrêmement têtue. En apprenant, la vérité, elle avait plié bagage et apparemment, elle n'était jamais revenue. Elle ne donnait aucune nouvelle, elle avait ne répondait à aucun coup de fil. Elle avait également changé d'adresse et de travail. Ni son père, ni sa mère enfin la femme qui s'était comportée comme telle ces vingt-cinq dernières années, ne savaient plus où la joindre, c'était comme si elle avait complétement disparu.
Quant à moi, j'étais un petit peu plus chanceux. Je continuais à voir assez régulièrement Logan grâce à ses filles. Grâce à Gabrielle et à Hope, je pouvais toujours savoir si Logan allait bien ou non. J'avais toujours un certain lien avec lui, même s'il ne nous adressait pas vraiment la parole à moi et à mon mari. Son véritable père n'a apparemment jamais reçu de visite de sa part. Nous avions des enfants très têtues.
Un jour aux alentours de midi et demi, je me rendais dans un restaurant avec une amie pour déjeuner. Alors que je m'installais à ma table, je remarquais à quelques tables plus loin, mes deux enfants ainés. Ruby et Logan à table qui semblaient bien entendre, je les entendais même rire. J'eus un petit sourire avec la folle et l'irrésistible envie d'aller vers eux. Je m'excusais auprès de mon amie, en lui disant que je revenais tout de suite. J'allais jusqu'à la table de mes enfants et je m'adressais à eux. « Bonjour Logan. Bonjour Ruby. »


     

J'avais pris mon courage à deux mains pour aller voir Logan et Ruby. En me voyant, leurs rires et leurs sourires avaient complètement disparus, laissant la place à des mines dures et sévères. J'avais le cœur serré à ce moment, je souffrais de cette situation. C'était tellement affreux d'être rejeté de cette manière par nos enfants. Je reconnaissais qu'on avait commis une grave erreur, mais ni l'un, ni l'autre ne me, ne nous permettait de nous expliquer, de leur expliquer nos actes et nos choix.
Je les avais à peine salués que Ruby décidait déjà s'en allait. Elle m'avait complétement ignoré, comme si je n'existais pas. Mais Logan la retenait en lui disant de rester et en me faisant comprendre que je devais m'en aller. « Non, Ruby reste. Ne t'en va pas pour moi. Vous aviez l'air de passer un bon moment. Désolé de l'avoir apparemment gâché. Ça fait plaisir de voir que vous vous entendiez bien. » Logan me demandait ce que je voulais. Je n'osais pas vraiment le dire, je connaissais déjà leur réponse. Mais me prendre un refus des deux en mêmes temps, me ferait énormément de mal d'un coup. « J'espérais que vous acceptiez de m'accorder quelques minutes. Une petite discussion en famille, je sais que vous allez refuser. Mais j'aurais essayé. » Je baissais le regard sur mes mains dont je tordais inconsciemment mes doigts. Un vrai signe de nervosité, c'était fou d'être dans un tel état face à ses enfants. « Ruby, tu es tell ... Je suis contente de voir, que tu vas bien, personne n'avait de tes nouvelles, on s'inquiétait surtout t ... On ne sait même pas où te joindre. » Je me doutais bien qu'elle ne voulût pas qu'on la joigne. Mais c'était affreux d'être sans nouvelle. D'entendre des choses, des rumeurs à son sujet sans même savoir si c'était vrai ou non. Je désirais mieux connaitre Ruby et retrouvait un lien complice avec Logan. J'aimais mes enfants, ma grande fille, les plus jeunes et également, mon fils, l'ainé, mon unique fils. « Je ... Je vais donc ... Euh, vous laissez. » Je ne sais pas pourquoi, mais j'avais les larmes aux yeux, je luttais pour qu'une larme de coule. Je ne voulais pas paraitre pour la mère pleurnicharde ou attirer l'attention sur nous.

     

J’avais exprimé le plaisir que j’avais de les voir bien s’entendre. Je prenais en effet plus conscience de tout ce dont on les avait privés. Mais à l’époque, j’étais jeune, nous étions jeunes et nous avons pensé faire ce qu’il y avait de mieux pour préserver nos couples. Et également l’avenir de nos enfants. Jamais on n’aurait pensé qu’ils découvriraient la vérité. L’erreur venait de moi, je n’aurais peut-être jamais dû lui donner de mon sang. Mais je ne l’avais de choix, mon sang était l’un des éléments qui lui avait sauvé la vie. Si c’était à refaire, je l’aurais fait, mais j’aurais pris soin de détruire les preuves. Logan me faisait la remarque d’observer ce que je leur avais volé en les séparant et en servant nos propres intérêts. Je n’avais rien à répondre à cela. Rien que je puisse dire ne pourrait pardonner notre acte. Pourtant, j’avais besoin de m’expliquer avec eux. Je voulais qu’il me donne une petite chance d’avoir une conversation avec eux.
Comme je m’y attendais, j’avais eu un refus de notre part. Ce dont je ne m’y attendais vraiment pas, c’était la réponse de Ruby. La violence de ses mots qui étaient d’une dureté redoutable. Ses mots m’avaient littéralement fendu le cœur. Je ne voulais rien laisser paraitre. Je tentais de lui répondre en douceur. « Ruby-Lys détrompe-toi. Ces vingt-cinq dernières années, je suivais tout ce que faisait. À ta naissance, j’ai tenu à choisir ton prénom. Je parlais souvent avec ton père pour avoir de tes nouvelles. J’avais également la même passion que toi pour le mannequinat. » Ruby avait peut-être élevé par d’autres personnes, elle tenait des choses de moi. Comme l’envie de devenir mannequin, c’était la seule de mes enfants à être attiré par cela. J’avais essayé de dissuader les Turner de l’encourager dans cette voix et pourtant, ils ne m’ont pas écouté. On voyait le résultat aujourd’hui, mais je me gardais de faire ce genre de remarquer. Ce n’était pas ça qui arrangerait mes rapports avec Ruby. Cette dernière ne perdait pas sa froideur lorsqu’elle me rappelait que couper les ponts signifiés ne pas donner de nouvelles. « Oui, mais… » Je me ravisais avant de finir ma phrase, il fallait mieux. J’avais de la difficulté à contenir ma tristesse. Je préférais donc m’en aller. Une larme coulait le long de ma joue et je préférais m’en aller. Ruby ne m’avait pas épargné et un restaurant n’était vraiment pas le meilleur endroit pour discuter avec elle. Je ne savais pas de qui elle tenait cette dureté. Je n’ai jamais été comme ça et de ce que je savais de son père lui non plus. La vie lui avait forgé un sacré caractère. Logan me disait une simple ‘ bonne journée’ que je lui rendais. « Bonne journée à vous aussi. Bonne fin de repas et si jamais vous changez d’avis ce dont je doute. Je ne suis pas loin. »


     

Plus je parlais avec Ruby et plus je m’enfonçais. J’essayais d’apaiser les choses, je tentais de trouver quelques choses pour accrocher et avoir une petite discussion. Mais c’était tout le contraire. J’avais l’impression que chaque nouveau mot que je prononçais énervée un peu plus Ruby. Elle avait un caractère plutôt impulsif et je n’avais pas vraiment l’habitude. Je ne savais pas comment me comporter avec elle. Quoi dire pour qu’elle s’adoucisse, enfin si c’était possible. En tout cas, une chose était certaine, je ne pouvais pas douter sur le fait que Ruby nous en voulait vraiment. Je ne sais pas comment avaient été les choses avec les Turner quand elle a su la vérité. Ils n’avaient pas voulu m’en parler, je me doutais que ça devait être compliqué. Mais maintenant, que je voyais le comportement de Ruby, je n’aurais pas aimé être à leur place. « Ils ne t’ont pas menti concernant ton frère. Il lui avait proposé une liste de noms, parce que tout le monde n’était pas d’accord avec Ruby-Lys. Mais comme David a choisi ça. » Je me souviens que la femme qui a élevé ma fille toutes ses années, ne me portait pas dans son cœur et je pouvais la comprendre. C’était elle qui été contre le fait qu’elle porte le nom de Ruby. Je ne dis rien quand elle dit qu’elle aurait dû garder le nom Riley. Au contraire, je baissais carrément les yeux. J’étais vraiment très mal à l’aise face à cette situation. Volontairement, je ne disais rien sur le fait que j’avais gardé contacte avec son père. Je savais que j’avais une fille tout près, je ne pouvais pas faire comme si elle n’existait pas. J’avais eu besoin toutes ses années de la suivre, de voir si elle allait bien ou non. De nombreuses fois, j’avais voulu intervenir dans sa vie. L’inciter à continuer ses études, à mieux contrôler ses fréquentations, l’avertir des dangers du mannequinat et du monde qui l’entoure que je connaissais bien pour avoir fait ce métier. Mais toutes ses années, je n’avais le droit de rien faire. « Ah, c’est donc vrai ce qu’on raconte. J’aurais tellement aimé t’éviter de rentrer dans ce genre de piège. Tu es talentueuse pourtant. »

Au final, je décidais de m’en allait avant que la situation soit plus compliquée qu’elle ne l’était. Ne pas envenimer trop les choses surtout dans un lieu aussi public que ce restaurant. Si seulement, je pouvais parler avec eux priver. Je m’éloignais en posant mon regard sur Logan qui n’avait pas dit un seul mot lorsque je parlais avec Ruby. Je me demandais à quoi, il pensait pendant ce temps-là. Je retournais à ma table d’où je pouvais les voir. Je n’arrivais pas à détacher mon regard d’eux tout en essayant de contrôler le flot de larmes qui montaient petit à petit et que je ne voulais pas laisser couler. Pas face à mon amie, pas devant tous ses gens et surtout pas devant Logan et Ruby.


     

J’avais beau continuer à garder un œil sur Ruby toutes ses années. À l’observer dans mon coin, je ne pouvais pas rester stoïque et ne pas m’intéresser par ce qui arrivé à la première de mes filles. Je savais que la famille Turner était une bonne famille, mais j’avais été en désaccord avec pas mal de leur décision. Mais je n’avais pas eu mon mot à dire évidemment. J’avais accepté de leur donner ma fille et chaque jour, je regrettais cette décision. J’ai eu pendant vingt-cinq ans les lèvres scellées. Pourtant aujourd’hui la vérité avait éclaté au grand jour. J’avais une chance de me rapprocher de Ruby. Le contraire se produisait, je m’éloignais de chacun de mes enfants. Je comprenais bien que Logan et Ruby aient du mal avec cette nouvelle et qu’ils leur faillaient du temps. Mais je n’ai jamais cru que mes enfants pouvaient me haïr à ce point. Logan restait aussi silencieux qu’une tombe quand Ruby disait des phrases qui avaient l’apparence de flamme crachée par un dragon. Je n’avais jamais été témoin d’une telle méchanceté venant de ma fille ainée. A présent, j'en étais la cible. « T’abandonner a été l’une de mes pires erreurs. » Je m’en allais les laissant tranquille.

J’avais le regard rivé sur eux, ce qui agaçait mon amie parce que je n’écoutais pas un seul mot de ce qu’elle me disait. J’avais qu’une envie leur parler m’expliquer même s’ils venaient de me dire non. Je pris mon téléphone portable et envoyais un message à Logan. « Rien que cinq petites minutes rien de plus. S’il te plaît. » J’avais besoin de leur parler à tous les deux. Tant que ce ne serait pas fait, je me sentirais mal. Bien que je n’avais aucune garantie que m’exprimer face à mes deux enfants, me permettrait d’aller mieux.


     

J’avais quitté mes enfants avec difficulté pour rejoindre mon amie qui m’attendait pour commander afin que l’on puisse tous les deux déjeuners comme convenu. Mais après la conversation que je venais d’avoir avec mes deux ainés en particulier avec Ruby-Lys, mon appétit était plus ou moins coupés. Je ne voulais pas être impolie envers mon amie, donc je restais en lisant la carte des menus. Mais quelques secondes à peine plus tard, mon regard se portait sur la table où étaient installés Logan et Ruby-Lys. Je m’excusais auprès de mon amie avant d’envoyer un message à l’intention de mon fils. Lui demandant de m’accorder quelques instants. Au bout de deux minutes, le regard de Ruby-Lys et celui de Logan se tournaient vers moi. Je compris que mon fils avait transmis message à ma fille. C’était elle la personne la plus dure à convaincre. Mais j’étais une femme persévérante. J’ignorais ce que je pouvais leur dire, mais je devais absolument avoir une conversation avec eux. Logan m’avait répondu en me donnant rendez-vous chez lui dans trois-quarts d’heure. Ma réponse avait été rapide « Merci. » Je me levais de table en disant à mon amie que je devais m’en aller. J’avais une histoire familiale à régler. C’était la simple vérité même si je doutais que cette histoire puisse se régler.

Je sortais du restaurant et me rendais à pied chez Logan. C’est mon amie qui m’avait conduite ici en voiture. Trois quarts d’heure, c’était largement suffisant pour aller chez mon fils. En un quart d’heure, j’y serais. J’allais être en avance, mais ça m’était égal, c’était même mieux. La maison était vide comme je m’y attendais. Je m’asseyais sur les marches qui se trouvaient en bas de la porte d’entrée et j’attendais l’arrivée de Logan et de Ruby-Lys.


     

Cela faisait maintenant quelques minutes que j’étais sur le seuil de la porte d’entrée de Logan. J’attendais l’arrivée de mes enfants. J’étais en avance, mon cœur battait à toute vitesse dans ma poitrine. J’étais à la fois impatiente, mais également effrayé. J’avais pu constater à quel point mes enfants m’en voulaient. Mais à l’époque pour moi, c’était la meilleure solution.

J’ignorais ce que j’allais leur dire, mais je savais que j’avais besoin de parler avec eux. De dire à quel point, je m’en voulais de les avoir blessés. Que ce soit autant à Logan qu’à Ruby. J’avais eu la chance de voir grandi mon fils et de l’élever. Je n’avais pas eu la même chance avec ma fille, mais elle avait été entre de bonnes-mains. Même si j’estimais que ses parents auraient dû l’empêchera de faire certain choix. Mais je ne pouvais rien y faire. Moi aussi, j’avais fait de mauvais choix en tant que parents.

J’étais assise sur les marches sous la porte d’entrée en attendant. C’est alors que je vis Logan et Ruby s’approchaient. Je me relevais pour les accueillir et j’essayais d’avoir un petit sourire sur les lèvres. Et ce malgré le fait que je sois assez anxieuse. Une fois qu’ils étaient tous les deux à ma hauteur, je leur dis. « Merci de m’accorder un peu de votre temps. »

HJ: Désolé pour le retard.

     

J’avais attendu environs une demi-heure, Ruby et Logan devant le domicile de ce dernier. Trente minutes qui avaient semblé être une éternité pour moi. Les minutes s’étaient écoulées difficilement et plus le temps passait plus mon rythme cardiaque augmentait. Mon cœur battait à une forte fréquence, je ressentais un mélange de peur et d’impatience. Je ne savais pas exactement quoi leur dire, mais je savais que je devais leur parler. J’avais une chance aujourd’hui et je devais la saisir sans me planter. C’était important pour moi, je ne pouvais pas accepter de perdre deux de mes enfants. Ça serait beaucoup trop dur pour moi, je ne le supporterais pas. Ils étaient, ce qu’il avait de plus important dans ma vie, même si je sais que c’est difficile à croire pour Logan et Ruby en ce moment. Mais tout ce que j’ai fait jusqu’à aujourd’hui était pour leur bien, même si à présent, on pouvait penser l’inverse et que j’aurais dû agir d’une meilleure manière. J’étais jeune et naïve, nous l’étions tous.

Je remerciais Logan et Ruby lorsqu’ils arrivaient. Ma fille était silencieuse et mon fils froid. Je ne répondais rien lorsqu’il me dit que je devais m’estimer heureuse qu’ils acceptent de me parler, de m’accorder du temps. Je rendrais chez lui lorsqu’il m’invitait à le faire. Je m’installais dans l’un des fauteuils du salon, en silence. Logan fut le premier à briser le silence qui devenait pesant. Mais ce qu’il me dit me fondait le cœur. Il n’avait jamais dirigé sa colère sur moi jusqu’à aujourd’hui. « Je voulais d’abord m’excuser auprès de vous deux. Je vous demande pardon pour cette cachoterie. Mais à l’époque, votre père et moi comme… Nos conjoints. On a pensé que c’était la meilleure solution. On n’aurait jamais pensé que vous l’apprendriez. Et encore moins que l’un de vous aurait un accident grave qui aurait nécessité qu’on révèle la vérité. » Qui aurait pu prédire tout cela ? Personne. On aurait très bien pu garder le secret et attendre de trouver un autre donneur que moi pour donner son sang à Ruby. Mais sur le coup seule la vie de ma fille comptait et l’important pour moi était de la sauver le plus rapidement possible. J’ai agi comme toutes les mères.


HJ: Désolé pour le retard.