Un jour, j'écrirai un livre : "Comment dire non ?", d'Eliana Alyn.
N'ayant aucun doute sur son caractère primordial, je me dois de vous en faire partager un extrait : pour dire non, encore faut-il savoir pourquoi ne pas dire oui.
Cela peut paraître bête, mais étant donné ma situation peu brillante, il me semble évident qu'en ayant réfléchi aux conséquences, j'aurais trouvé la motivation nécessaire et suffisante pour refuser.

Tout a commencé il y a exactement une heure et vingt-trois minutes. C'est le temps qu'il a fallu pour que le plus fervent défenseur de l'ADK (Association de Défense des Koalas, pour les incultes) arrive à me persuader de distribuer des prospectus dans le quartier des villas, déguisée en mascotte.

Je me trouve devant la première maison de la longue rue qui s'étend devant moi.
En respirant profondément, une question se pose : ai-je vraiment envie de garder ce costume ridicule ?
Bien entendu, en le conservant, mon anonymat est conservé puisque mon visage est caché. Toutefois, dans ce quartier, peu de monde risque de me connaître, et je préfère distribuer des tracts dans une tenue normale, avec une voix normale et une liberté de mouvement conséquente, et normale.

Le choix est donc fait. Je me retourne. Derrière moi se situe un recoin dans lequel je pourrais enlever rapidement mon déguisement et le déposer à l'abri des regards.
Je retire d'abord l'affreuse tête, et détache mes cheveux. Je me penche ensuite pour ôter le reste du costume, quand un nouveau problème se pose : je n'ai que mes sous-vêtements et un débardeur en-dessous.
Comment réussir à remettre mon jean, resté dans mon sac à dos, sans enlever le costume, de manière à ce que personne ne risque de me voir en petite tenue ?

Je déboutonne d'abord les boutons jusqu'à la taille, puis je fouille d'une main mon sac à la recherche de mon pantalon. tout en maintenant le déguisement sur moi. Je sors prudemment une jambe du costume, et l'enfile rapidement dans mon jean.
Un regard autour de moi me permet de vérifier que personne n'a assisté à la scène.
Satisfaite, je passe à l'étape délicate. Je laisse tomber brusquement le costume et me précipite pour m'engouffrer complètement dans mon jean.
Alors que je remets ma ceinture, un rire retentit derrière moi.
Je sens une sueur froide le long de ma nuque avant de me retourner :

- Prospectus ?

Mon sourire se décompose lorsque je reconnais la personne devant moi.

Je dois avouer que je suis intrigué par le prospectus que vous distribuez surtout avec la tenue que vous portez je me demande de quoi cela va parler.

La stupeur passée, je le dévisage de nouveau. Il se moque de moi, c'est certain. Il m'a vue prendre toutes les précautions nécessaires pour enlever un costume de koala sans me faire remarquer, ce qui naturellement a rendu la scène encore plus ridicule que si je n'avais pas fait de manières pour me déshabiller en pleine rue. et il est intrigué par mon prospectus...

Je me souviens parfaitement de lui. Callie m'en a parlé. Je l'ai croisé à l'université, sans qu'il daigne adresser le moindre regard à ma petite personne, et j'aurais préféré tomber sur n'importe qui plutôt que lui.

Et pire que tout, je me sens rougir, et je reste plantée là sans savoir quoi dire.

Je ne sais pas si vous le savez mais cette association a déjà distribuer ces mêmes prospectus dans le quartier j'en ai un autre à la maison et j'ai déjà fait un don de 5000$ et si moi et ma famille sommes riche ce n'est pas dilapidant notre fortune entière de telle sorte. Cependant je suis de bonne humeur aujourd'hui alors je vais vous signez un autre chèque si vous voulez bien me dire à quel nom.


Hébétée, je mets du temps à réagir.

Non. Je ne veux pas de votre chèque. Vous feriez mieux de gaspiller votre argent d'une autre manière qu'en faisant des chèques pour des causes dont vous vous foutez royalement, dans le seul but d'humilier la classe modeste que je représente.
Et non, je ne savais pas, j'ai simplement rendu service à un ami, qui grâce à vous, se fera étrangler par mes soins pour m'avoir envoyée dans un quartier puant d'orgueil qui avait déjà été prospecté.
Ravie de vous avoir fait rire, c'était gratuit. Bonne journée.

A la fois furieuse et gênée, je me retourne pour saisir mes affaires et cacher mon trouble. Je n'aurais pas dû m'énerver aussi vite. Et comme chaque fois dans cette situation, mes regrets sont tellement visibles que je préfère fuir.

Hébétée, je me retiens d'interrompre sa logorrhée. Mille répliques cinglantes me viennent en tête tandis que les mots dégoulinent de sa bouche comme du poison.
Mais plus il parle, plus je ressens un fond de vérité dans son discours. Après tout, il n'était pas obligé de refaire un don. Il n'était pas non plus forcé de faire le premier, et il n'avait pas demandé à me voir dans une position plus qu'inconvenante.

J'avais perdu le sourire à sa vue, alors qu'il s'était d'abord empressé d'expliquer la raison de son rire, quand bien même celle-ci était évidente et normale.
Et moi, idiote que je suis, j'avais fait une fixette sur l'étiquette et l'apparence, celle du fils à papa propre sur lui et bien trop parfait pour daigner s'adresser aux autres d'égal à égal.

J'avais fait de ma propre situation une carapace derrière laquelle j'avais inconsciemment pensé m'abriter en rejetant les torts sur le premier venu un peu trop aisé. Je n'avais pas compris que derrière ce masque d'arrogance se trouvait un être humain aussi sensible et engagé que moi.

Silencieuse durant son discours, sa dernière phrase me touche particulièrement. Une réaction pitoyable ... Oui, probablement.

Je suis désolée, vraiment. Je regrettais déjà mes paroles au moment de les prononcer, et je me rends compte d'autant plus maintenant qu'elles n'étaient pas méritées.

Mes yeux cherchent à capter son regard alors que je redoute d'y lire du mépris. Le souffle coupé, je reste pendue à ses lèvres dans l'attente d'une réponse.

J'en avais presque oublié les koalas : trop surprise de n'avoir pas lu de mépris dans ses yeux.

Association de Défense des Koalas

D'abord timide, mon sourire s'élargit. Je ne suis pas transparente, puisqu'il m'a remarquée, moi, dans l'université. Je ne passe pas inaperçue.
Cette révélation, je la savoure avec gourmandise. Ce genre de découverte a lieu assez fréquemment, mais comme un bonbon, j'en oublie très rapidement le goût.
Les sourires des passants, les compliments lancés à la volée, me font plaisir mais ne me donnent pas confiance en moi très longtemps. D'ici une ou deux heures, j'aurais oublié l'allégresse de me savoir visible aux yeux du monde qui m'entoure.

Alors tu connais Calliope ? Elle m'a parlé de toi. Tu sais, c'est un peu à cause de ça que j'ai perdu le sourire en te voyant. Enfin, elle n'y est pour rien, elle m'a dit que vous vous entendiez bien. Seulement, elle m'a aussi raconté comment vous vous étiez rencontrés, et ça ne m'a pas donné une bonne image de toi. Je suis désolée.