Notre Amour est comme le vent : On ne peut pas le voir, mais on peut le sentir

Tout en marchant rapidement les pensées fourmillaient dans sa tête alors que ses pas la menaient directement chez lui. Aujourd’hui était le 16 mars autrement dit l’anniversaire d’Aiden, elle était excitée et en même temps assez nerveuse, quelque peu perplexe elle se disait qu’elle s’étonnait elle-même de connaître ce genre de détails. Cela signifiait qu’elle le connaissait surement mieux qu’elle ne le pensait, ce n’était pas grand-chose, un petit élément anodin mais ça comptait beaucoup aux yeux d’Alice, chaque informations récolté sur lui était importante pour elle, même les choses insignifiantes comme le fait qu’il ne sucrait pas son thé ou avait le tic de se pincer la lèvre quand il était anxieux. Ils n’étaient en réalité pas sensés se voit aujourd’hui, d’ailleurs Alice pensait qu’il aurait passé ce jour avec sa fille ou ses amis, car c’est ce que l’on fait généralement le jour de son anniversaire, mais Aiden lui avait dit la veille au téléphone qu’il préférait rester tranquillement chez lui et passer les festivités. La jeune fille savait pertinemment que cela voulait en fait dire se mofondre chez lui en ruminant ses regrets, parce que oui, Aiden avait beau lui montrer un visage calme et sur de lui, qui contrôlait la situation ce n’était en fait pas le cas, il ne voulait surement pas qu’elle s’inquiète mais Alice le connaissait à présent assez pour voir quand cela n’allait. Il venait de quitter sa femme et rien n’était simple dans sa vie, il avait beaucoup à gérer alors il était normal que cela l’angoisse, elle comprenait. Cependant elle ne voulait pas le laisser seul chez lui alors que c’était son anniversaire, cela aurait été vraiment déprimant, et puis elle ne pouvait nier qu’elle avait aussi très envie de le voir, même pour quelques minutes.

Pourtant, la situation était loin d’être claire entre eux, ils ne savaient pas où ils en étaient et même s’ils étaient quelque part, qu’étaient-il en réalité ? Plus qu’un élève et un professeur cela était certain. Des amis ? Oui également mais il y avait quelque chose en plus, et c’est bien cela qui effrayait Alice, elle n’avait pas le droit de ressentir ce genre de chose pour Aiden, il était son professeur et tout cela n’était pas très prudent, ni pour elle, ni pour lui. A part Mia personne n’était au courant de ce qui se tramait entre eux, parfois Alice devenait parano et avait vraiment peur que quelqu’un l’apprenne, cela aurait été horrible, surtout pour la famille d’Aiden, elle ne voulait pas que cette histoire les éclabousse plus qu’elle ne l’avait déjà fait. En fait la jeune fille n’était même pas sur de vouloir vraiment avoir les réponses à ses questions, peut être qu’elle l’aimait bien cette situation, être sur la ligne sans jamais tomber d’un côté ou du l’autre, cette tiédeur ambigu la rassurait en quelque sorte et elle été effrayé à l’idée du changement, à l’idée de franchir la limite.

Lorsqu’elle arriva enfin devant sa porte Alice se demande si elle avait réellement bien fait de venir, peut être que c’était un comportement déplacé, peut être qu’Aiden lui-même n’apprécierait pas sa venue voyant cela comme une intrusion. Songeuse elle retourna cela dans sa tête durant de longues minutes, s’apprêtant à frapper à la porte à plusieurs reprises puis finalement rétractant son geste. Puis elle se décida enfin à faire connaître sa présence, toquant sur la porte en chêne et attendant avec un certain stress derrière. Quand elle l’aperçu enfin dans l’entrebâillement un sourire illumina son visage, il lui faisait toujours cet effet là, quand elle le voyait elle rayonnait de bonheur « Joyeux anniversaire ! » lui dit-elle en déposant un léger baiser sur sa joue, rien d’inapproprié Alice savait rester à sa place « Tiens…j’espère que ça te plaira » ajouta-t-elle alors en lui tendant un petit paquet rouge carmin. Alice avait choisi ce cadeau avec soin, elle voulait quelque chose de personnel et qui lui ferait plaisir, elle était allée dans ce petit bouquiniste qu’elle lui avait fais connaître au début de leurs sorties ensemble et n’était pas peu fière d’y avoir déniché un exemplaire original de "Lord of the Flies" de William Golding. Elle avait eu tout juste le temps d’y marquer une note avant de venir « A mon cher professeur, tendrement…Alice » rien qui ne pourrait mettre la puce à l’oreille de quelqu’un si jamais on tombait dessus.

lumière de ma vie, feu de mes reins, mon péché, mon âme.

Jusqu’à présent, Aiden avait toujours fêté son anniversaire avec ses parents, sa sœur, sa femme et sa fille. Il en était ainsi depuis bientôt dix ans. Et pour la première fois, il se retrouvait seul. Il s’assit sur son canapé et passa ses mains sur son visage, avant d’allumer la télévision. Dire que ça lui était égal serait un leurre, la vérité c’était qu’il en souffrait. Aiden n’était peut-être plus un enfant et il ne s’attendait pas à ce qu’on lui organise une fête avec des ballons, des clowns et des gâteaux, mais il aurait aimé partager ce moment avec des personnes qui lui étaient chères. Il tenta de se persuader que ce n’était qu’un jour comme les autres, un jour comme tous les jours. Et qu’il n’était pas plus seul que les autres jours. Le téléphone sonna et Aiden sursauta : il s’était assoupi un moment, et le film était terminé. Il se pencha vers sa table basse et regarda le nom qui s’affichait sur l’écran. Il hésita un peu et décrocha, le cœur battant. « Papa c’est Louise, bon anniversaire. » Aiden sourit et soupira de soulagement. « Merci mon ange. Tu vas bien ? » Ils discutèrent un moment et Louise dut raccrocher pour aller goûter. Chaque fois qu’il lui parlait, il avait le cœur en miettes. Plus les jours passaient, et plus sa propre fille devenait une inconnue à ses yeux. Il n’était plus là pour la voir grandir, pour la voir rentrer de l’école en rigolant, fini. Mais c’était lui qui l’avait voulu, et il ne pouvait pas revenir en arrière. Se séparer de sa mère n’avait pas été la décision la plus facile qu’il avait prise, loin de là. Mais comment expliquer ça à une enfant de sept ans ? Comment lui dire qu’il l’aimait, et que quoi qu’il arrive rien ne changerait ? Louise n’était pas idiote, au contraire. Mais pourrait-elle seulement comprendre, accepter et pardonner ses choix ? Il s’en voulait parfois tellement qu’il avait l’impression d’étouffer. Mais alors il repensait aux raisons pour lesquelles Aiden avait marqué un tournant brutal dans sa vie et ses peines s’amenuisaient : Alice Hamilton. Alice et son sourire. Alice et sa joie de vivre. Mais Alice était son élève, et il ne pouvait pas se permettre de lui porter atteinte, de ruiner sa carrière et la réputation de son père.

Aiden allait remonter le son de la télévision pour regarder les publicités pour la lessive avec un plaisir immense quand on frappa à la porte. Des coups discrets, presque inaudibles. Il fronça les sourcils, se demandant s’il avait ou non rêvé. Attendait-il quelqu’un ? Pas d’après ses souvenirs. Aiden se leva et alla ouvrir, décidant qu’il était mal poli de faire attendre la personne, quelle qu’elle soit. Mais cette personne, ce n’était pas n’importe qui. Une douce chaleur l’envahit à la vue de celle qui faisait battre son cœur comme un adolescent de quinze ans et son sourire s’élargit en même temps que le sien. « Merci ! Ça me fait plaisir de te voir ! » répondit-il en s’écartant pour la laisser entrer, après qu’elle ait déposé ses lèvres sur sa joue. Aiden jeta un coup d’œil dans la rue, observant les fenêtres et les passants. Il n’avait pas réellement envie qu’on les voit ainsi. Mais pourtant, au fond, ils ne faisaient rien de mal. Alice était majeure. Alice était consentante. Ce n’était pas lui qui était allée la chercher. Alors pourquoi angoisser autant ? Il referma la porte et se tourna vers elle. Alice lui tendit un joli paquet et il le prit, un sourire tendre aux lèvres. « Tu n’étais pas obligée, tu sais. » L’attention le toucha particulièrement, bien plus que ça n’aurait dû. Il écarquilla les yeux en observant le livre. « C’est incroyable, c’est l’original, n’est-ce pas ?! » s’exclama-t-il, fasciné par l’exemplaire de Sa Majesté des Mouches, un de ses romans préféré, qu’elle avait déniché. « Ca a dû te coûter une fortune Alice, idiote. » dit-il, ému. Il la serra un instant dans ses bras, instant qui dura un peu trop. Il la relâcha et se racla la gorge, avant de la remercier encore. Il ouvrit la première page et s’arrêta sur les quelques mots qu’elle avait écrits. Il ne fit aucun commentaire, mais Alice saurait qu’il apprécierait grâce à son sourire discret. Cher professeur … Oui, une bonne façon de lui rappeler de ne pas dépasser les bornes. Il posa le livre avec prudence sur sa table afin d’être sûr de ne pas l’abîmer et jeta un coup d’œil par la fenêtre : le soleil déclinait déjà, à l’horizon. Alice ne resterait certainement pas longtemps, alors mieux valait profiter tant qu’elle était là.

Aiden s’approcha de son frigo. « Tu veux boire quelque chose ? » demanda-t-il en ouvrant la porte … Porte d’un frigo presque vide. « Mince. » dit-il embarrassé. « Je vais faire du café. » Normalement, on ne buvait pas de café à cette heure-ci, mais c’était un cas d’extrême urgence. Depuis quand n’avait-il pas fait de courses ? Il ne s’en souvenait plus. Depuis qu’il était seul, il se laissait complètement déborder par les évènements de la vie quotidienne, même les plus habituels. Il versa le liquide chaud dans des gobelets et retourna s’asseoir sur le canapé, aux côtés d’Alice. « Qu’est-ce que tu fais ce soir ? Tu vas voir Mia ? » Il rit un peu et avala une gorgée de café, avant de lancer : « J’ai l’impression d’être vieux et déprimé, sur mon canapé. Où est passée ma jeunesse ? » Si il exagérait, c’était vraiment ce qu’il ressentait. Depuis qu’il était marié, rares avaient été les soirées où il n’avait pas eu d’obligations sur le dos, où il avait pu sortir le soir avec insouciance. Etait-ce seulement arrivé ? Il enviait Alice, il aurait aimé avoir son âge, sa liberté. Il observa les traits de son visage avec attention, la trouvant plus belle chaque seconde. Il détourna les yeux et but une autre gorgée de café. Il passa une main sur sa nuque et avoua : « C’est vraiment gentil de ta part d’être venue, au moins mon anniversaire n’est pas un fiasco total. C’est même une très belle journée. Alors … Merci, vraiment. » Chaque fois qu’il disait quelque chose, Aiden avait peur de la choquer. Peur de lui faire peur. Pourtant il savait très bien qu’il y avait quelque chose entre eux, et pas seulement de son côté. Mais pour Alice, qu’est-ce que ça signifiait ? Il y avait tant de garçons à sa portée, de son âge, qui rêveraient de l’avoir à leurs côtés ! Des relations simples, des belles relations de jeunesse, celles qui font de chaque seconde un paradis et qui, une fois terminées, deviennent un souvenir qui tord le cœur. Alors comment osait-il se montrer égoïste au point d’espérer qu’elle le regarde lui et pas un autre ? Il n’avait pas le droit de lui causer des problèmes, de rendre sa vie compliquée. Elle méritait tellement mieux. Aiden effleura ses cheveux de sa main, doucement. Et alors son ventre gargouilla et vint tout gâcher. « Oh. Je ne me souviens plus quand j’ai mangé pour la dernière fois ! »