30 Juillet 2011. La même date qui me fend le cœur chaque année depuis que j’ai 4 ans. Je mets un point d’honneur à retourner à Washington tous les ans à cette date. J’essuie une larme qui perle sur ma joue puis dépose une rose sur chacune des tombes de mes parents. Cassandra et Peter Burton. Je ne suis pas très à l’aise dans les cimetières, je ne peux même pas prier, je ne crois pas en Dieu. J’ai toujours pensé que si une quelconque divinité existait, mes parents seraient toujours là. Je me contente d’être là, de rester quelques minutes jusqu’à ce que je ne puisse plus supporter. Je pleure maintenant à chaudes larmes. Autrement, je ne pleure jamais, c’est le seul jour de l’année qui réussit à me décrocher des larmes. Avant de partir, je sors de ma poche une lettre que j’ai écris il y a quelques jours. Je creuse un petit trou au centre du parterre de fleurs commun et y enterre la feuille.

Chers Papa & Maman.
Ca fait longtemps que j’ai envie de vous écrire cette lettre, mais il faut croire que je n’en avais pas eu la force ni le courage jusqu’à présent.
Ce jour là, le 30 juillet 1992, a été le pire de toute ma vie. Logiquement, je ne devrais pas m’en rappeler. Je payerais cher pour ne pas m’en souvenir. Mais non, c’est inscrit dans mon esprit, il n’y a pas un jour où je ne revis pas la scène. On était en voiture, tous les trois. Je dormais depuis un bout de temps déjà et j’ai été réveillée par un rire de toi maman. J’ouvrais les yeux doucement. Et puis, tout est allé très vite. Je ne comprenais pas ce qu’il s’était passé, et je ne comprends toujours pas. J’ai entendu un grand coup de frein, papa crier et il y a eu un gros choc. Ensuite, plus rien. Je me suis réveillée plusieurs jours plus tard, à l’hôpital. J’ai été ballotée, pendant 4 ans. D’orphelinats en orphelinats, de familles d’accueil en familles d’accueil. Et pendant toutes ces années, la seule chose qui me restait de vous était une photo de nous trois.

J’ai survécu plus que je n’ai vécu durant ces années. Et puis, j’ai fini par rencontrer les Gabriel. Ils n’étaient pas vous, mais ils étaient là, et ils m’aimaient, et je les aimais aussi. Ensemble, nous avons déménagé à Seattle. C’était horriblement dur, mais en même temps, je ne pouvais pas aller de l’avant si je restais près de vous, à Washington. Quand j’avais douze ans, ils m’ont adoptée. A partir de ce jour, j’ai officiellement porté le nom de Gabriel. C’était le plus beau jour de ma vie. A partir de cet instant, c’était comme si je revivais. J’étais, et je suis toujours, sure que c’est ce que vous auriez voulu pour moi. Alors j’ai arrêté de me poser des questions et je suis allée de l’avant. J’ai pris une revanche sur la vie, et j’ai décidé d’être la meilleure. J’étais la meilleure des filles, la meilleure des amies et la meilleure de la classe. Je faisais tout au mieux. Tout pour que vous soyez fiers de moi. Naturellement, je me suis inscrite en fac de médecine. Sauver des vies, c’est tout ce que je veux faire.

Papa, Maman, il me reste encore une dernière chose à vous dire. Toutes ces années, je n’ai jamais cessé de vous aimer. Je me raccroche aux quelques souvenirs et aux photos que j’ai gardés, pour ne pas oublier le son de votre voix et la douceur de vos baisers.