On est tellement douée pour dissimuler les choses. Et pour cacher, pour éviter.

Les yeux fixant les titres qui défilaient un à un Alice parcourait les étagères à la recherche d’une nouvelle trouvaille, elle adorait ce petit bouquiniste sur Santa Monica, les libraires du centre commercial proposaient toujours le même genre de livres mais les vieux brocanteurs eux avaient des petits trésors qu’Alice parvenait toujours à dénicher. Elle se fichait bien de la poussière sur le bois vernis ou de la drôle musique qui passait dans la boutique, non elle au contraire elle aimait cette ambiance particulière, l’odeur des vielles pages jaunies et les belles reliures des ouvrages, en plus ils avaient tout un rayon sur la littérature étrangère et c’est ce qu’elle préférait. Pensive elle regarda vaguement sa montre se demandant quand Julian arriverait, elle lui avait vaguement donné rendez-vous vers 15h00 ici, elle savait qu’elle se trouverait là cette après-midi alors c’est ici qu’elle lui avait demandé de la rejoindre, ce genre d’endroit n’était généralement pas au goût du jeune homme mais peu importe, de toute manière il était en retard.

Elle se réjouissait tout de même de pouvoir passer un peu de temps en sa compagnie, cela faisait des semaines qu’elle ne l’avait pas revu, voir beaucoup plus, elle se souvenait à peine de la dernière fois. Depuis quelques temps l’ambiance était étrange entre eux, enfin…Alice sentait bien un malaise mais elle ne parvenait pas à mettre le doigt dessus, elle avait l’impression qu’il s’éloignait et pourtant Julian lui disait que tout allait bien, qu’il était juste occupé c’était tout. Alors elle le croyait, parce que c’était plus simple aussi comme cela, elle ne voulait pas se remettre en question, se demander ce qu’elle avait fait de mal car c’était forcément de sa faute non ? Leur amitié comptait pourquoi aux yeux d’Alice, d’ailleurs Jaiden comptait tout court aux yeux d’Alice, cela avait toujours été le cas. Déjà au collège quand il ne faisait pas attention à elle, et puis un peu après quand il n’était pas non plus des plus sympathiques. Elle n’avait jamais osé lui dire la vérité, même après que les choses aient évolué entre eux, même après qu’il ne la considère plus comme une rivale ou une fille à qu’il devait pourrir la vie. Alice d’aussi loin qu’elle se souvenait avait toujours eu le béguin pour Jaiden, avec les années elle avait appris à faire avec et à taire ce secret. Finalement elle se contentait de ce qu’ils avaient et puis de toute manière Jaiden était amoureux d’une autre et elle avait Aiden. En fin de compte elle se remettait à penser à lui, que faisait-elle a toujours tomber amoureuse d’hommes plus âgés ? A toujours s’embarquer dans des amours voués à l’échec, d’abord un amour non réciproque et puis maintenant une passion dévorante pour son professeur de littérature. Décidemment tout cela était bien ironique. Alors qu’elle était plongée dans ses pensées la jolie brune ne vit même pas Julian pénétrer dans la boutique, elle ne reconnu pas sa silhouette pousser la porte et resta le nez fourré dans un bouquin à parcourir les pages avec attention. Ses yeux se posèrent enfin sur un livre tout en haut de l’étagère devant laquelle elle était, un recueil de poème de Thomas Moore, il lui semblait qu’Aiden avait déjà évoqué ce livre et elle était curieuse d’y jeter un œil. Cependant du haut de son 1m57 elle ne pouvait pas faire grand-chose, elle entreprit alors de monter sur le tabouret bancal qui faisait office de table basse à côté d’elle, perchée sur ses talons sa main parvint enfin à attraper l’objet qu’elle convoitait tant mais à la place c’est son équilibre qu’elle perdit et se fut ni une ni deux qu’elle se sentit tomber à la renverse.

On est tellement douée pour dissimuler les choses. Et pour cacher, pour éviter.

Alors que la jeune fille tombait à la renverse et était sur le point de faire une chute mémorable, elle poussa un léger cri en essayant de se rattraper à l’étagère mais tout ce qu’elle réussit à faire s’est faire dégringoler une montagne de livres avec elle. Puis alors qu’elle s’attendait à rencontrer violemment le sol elle sentit des bras la rattraper avec précaution avant de la déposer avec une facilité déconcertante sur le sol. Elle releva la tête pour apercevoir avec surprise le visage de Julian qui lui lançait un sourire moqueur « Si tu ne fais pas plus attention tu risques de rencontrer le plancher la prochaine fois… » pour sur elle entendrait parler longtemps de cet épisode, Julian et elle était assez taquins entre eux et elle aurait été à sa place elle se serait bien moqué elle aussi. Le jeune homme était habitué à sa maladresse, en fait, en règle générale Alice avait un équilibre assez incertain qui la faisait souvent se casser la figure, et le pire c’est que c’était toujours en public, alors elle n’était plus à une humiliation près, non maintenant elle en riait car de toute manière la jeune fille était souvent dans l’autodérision. A sa remarque sur les nains elle lui tira la langue faisant mine de ne trouver cela pas du tout drôle, alors que si ça l’était un peu, c’est vrai qu’Alice était assez petite « Haha très amusant… » lui répondit-elle septique avant d’enchaîner « Oh si je te rassure, et dans le livre ‘’Comment devenir un bon nain en 10 leçons’’ il n’y a pas stipulé que les tabourets nous sont interdit » elle se baissa ensuite pour ramasser tous les bouquins qu’elle venait de faire tomber puis entreprit de les ranger un par un avec minutions, derrière elle Julian continuait de rire mais elle ne le prenait pas mal, bien au contraire ce rire lui avait manqué, un genre de rire communicatif qui vous donne envie de le rejoindre à votre tour. Quand elle eut terminé il l’a pris dans ses bras en lui soufflant qu’elle lui avait manqué, vraiment ? Pourtant il se faisait distant ces derniers temps mais Alice comprenait bien cela, il venait d’avoir un bébé et par le même coup son emploi du temps s’en trouvait modifié. A ce contact la jolie brune se sentit quelque peu mal à l’aise, c’était pourtant une accolade anodine et elle en avait l’habitude mais cela lui rappelait un peu plus tout ce qu’ils n’avaient pas été et qu’elle aurait voulu à une époque. Ce n’est pas le fait même de voir Julian qui la peinait quelque peu mais plutôt tout ce qu’il représentait pour elle. C’était un ancien amour mais un de ceux qu’on ne veut pas. Dans l’éventail des amours possibles, il y en est un de la pire espèce. Sa cruauté est telle qu’il tue ses victimes. On l’appelle l’amour non partagé. Celui là Alice le connaissait bien, elle était experte en la matière. Dans la plupart des histoires d’amour, les sentiments sont réciproques, et dans les autres ? Et eux alors ? Les laissées pour compte ? Eux qui aimaient sans retour, tout seul, dans leur coin ? Ils étaient les victimes de l’amour à sens unique, les oubliés dans la distribution du bonheur. C’est à ça, que parfois Julian lui faisait penser quand elle le regardait. Cela dit elle n’en laissa rien paraître et se contenta de lui sourire en retour « Tu m’as manqué aussi » parvint-elle à lui confier sincèrement « Bon je vais payer ça et on sort d’ici, promis je te laisserais choisir l’endroit de notre prochain rendez-vous, je n’aimerais pas que tu prennes la poussière » lui dit-elle d’un ton léger avant de s’avancer vers l’antiquaire pour régler le recueil qu’elle avait déniché. Elle avait hâte de se plonger dedans, après elle pourrait certainement en discuter avec Aiden, lui qui avait l’amour de la littérature comme elle.

Enfin sorti de la boutique Alice s’arrêta un instant pur apprécier les rayons du soleil qui venaient effleurer son visage, fermant les yeux elle songea qu’elle ne pourrait habituer nulle part ailleurs qu’à Los-Angeles, le beau temps lui manquerait beaucoup trop. Lorsqu’elle rouvrit les paupières elle adressa un nouveau sourire à Julian avant de se mettre à marcher à ses côtés « Alors dis-moi un peu, comment va Annalynn ? » elle s’intéressait réellement bien qu’elle savait qu’entre eux deux tout était toujours au beau fixe en règle général, ils faisaient vraiment partie des couples qu’elle admirait, leur famille faisait plaisir à voir « Oh et je veux des nouvelles de Leïla, ce boutchou me fait vraiment craquer il faudra que tu l’emmènes la prochaine fois, ça fait des lustres que je ne l’ai pas vu….il faut que je vérifie en vrai si ses yeux sont vraiment plus bleus que les tiens » elle l’embêtait un petit peu elle faisait référence à une photo que ce dernier avait posté sur les réseaux sociaux, elle aimait bien le charrier même si cela restait toujours bon enfant. Une chose est sur c’est qu’elle était heureuse de passer du temps avec lui aujourd’hui, il faisait partie de ses personnes qui lui rendait toujours le sourire, et cela même avec les années ça n’avait pas changé. En y pensant pourtant au départ tous deux s’entendaient vraiment mal dans leurs années lycée, comme quoi avec le temps les gens évoluent et parfois ce n’est pas plus mal. Ils étaient tous deux différents mais leur amitié restait intacte et Alice espérait que cela resterait ainsi encore longtemps « Alors, où veux-tu aller mon cher ? »