« Plus haut ! Plus haut Seth ! » Criait-elle de sa balançoire. Elle avait tout juste huit ans, Seth en avait dix, la vie s’écoulait lentement et rien ne pouvait venir entacher son bonheur. A cet âge là ils n’avaient pas besoin de grand-chose pour être heureux, ils se réjouissaient d’un rien, ils s’amusaient avec un rien, c’est l’innocence, l’insouciance, n’y a-t-il pas de meilleure période que l’enfance ? La vérité c’est qu’elle l’a toujours su, elle a toujours voulu y rester, figer ces instants de bonheur, mais le problème avec le bonheur, c’est qu’il arrive sur ses jambes frêles, on ne s’y attend pas et on a à peine le temps de se rendre compte qu’on l’a en face de soi qu’il est déjà repartis, aussi vite qu’il est venu. Alors haut, toujours plus haut, encore plus haut, il la pousse, elle se hisse, elle tente d’attraper le vide, de saisir les nuages, d’atteindre le ciel, elle a l’impression de voler, elle rit aux éclats, lui aussi, elle l’entend derrière son dos, ils ne sont que des enfants, ils vivent dans l’instant, jamais dans la peur de demain, au fond, c’est sa leur chance. Finalement il vient s’asseoir sur la balançoire à côté d’elle et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire se retrouve à ses côté, à brasser l’air avec ses pieds, de bas en haut, de haut en bas « Ali ? » lui demande t-il en riant « Un…deux…trois ! » ils s’élancent alors en avant pour atterrir sur le tas de feuilles mortes en face d’eux, ce jeu ils le font tout le temps, c’est à qui arrivera le plus loin.
- Tu as triché Seth ! lui reproche-t-elle en levant un sourcil
- Non c’est pas vrai !
- Si espèce de menteur !
- Je ne mens pas !
- Si tu mens.
- Non.
- Si ! réplique-t-elle de plus belle en lui lançant des feuilles qui s’éparpillent dans ses cheveux châtains. Il fait mine d’être surpris, elle de bouder, et finalement une course poursuite s’engage dans le jardin tandis que son père les appelle pour rentrer. Assis tous deux à la table de la cuisine ils se sourient avant qu’une autre dispute ne se déclenche sur lequel d’eux à piqué un biscuit à l’autre, elle sait que c’est elle, mais elle ne le dira pas, il ne lui en veut pas, ces chamailleries, ils en ont l’habitude, c’est amusant. Par contre, son père leur a préparé le goûtez, ça ce n’est pas habituel.
- Où est maman ?
- Elle est partis.
- Faire des courses ?
- Non Alice, pas faire des courses.
- Chez Madame Robinson ?
- Non plus.
- C’est elle qui prépare le goûter normalement.
- Je sais ma puce.
- Pourquoi tu le fais alors ?
- Parce que c’est bien parfois, le changement.
Le changement…mot redouté, quel changement ? Pourquoi ? Comment ? Elle au fond elle n’aime pas le changement, même encore aujourd’hui, que les choses bougent, se transforment, ça lui fait peur, car quand les choses sont bien comme elles sont, on n’a aucune envie de les voir changer, elles n’en ont pas besoin. Non, le changement, elle le repousse, le rejette, elle ne le désire pas. Mais, le problème avec le changement, c’est qu'il ne demande jamais votre avis pour venir, il débarque, et s’installe. Tout ce qui doit arriver arrivera, quels que soient vos efforts pour l'éviter. Tout ce qui ne doit pas arriver n'arrivera pas, quels que soient vos efforts pour l'obtenir. Dire qu’elle était partie était un euphémisme, sa mère avait en effet foutu le camp et pour un bon bout de temps, en fait elle avait même définitivement quitté le nid familiale. Sa mère était parti car elle était tombée amoureuse d'un autre, elle ne l'avait pas voulu, pas prémédité, c'était arrivé ainsi voilà tout. Pourtant Alice ne l'a jamais accepté et ne lui a jamais pardonné, une bataille juridique pour la garde de leurs filles s'en est suivit entre les Hamilton et c'est finalement son père qui l'emporta au plus grand bonheur d'Alice. Au fil des années les rapports avec sa mère se détérioraient de plus en plus car elle avait vécu son départ comme un abandon, ce qui fut tout le contraire pour sa soeur Maëlyss qui elle tisa des liens bien plus fort avec leur mère. Plus que pour elle c'est pour ce qu'elle avait fait subir à son père qu'Alice avait eu du mal à digérer.

Pour compenser sa vie familiale quelque peu désastreuse Alice avait pris l’habitude d’exceller dans tout ce qu’elle entreprenait, vie sociale au beau fixe, il était de même pour sa scolarité qui se portait au mieux, Alice avait toujours beaucoup travaillé pour faire partie de l'élite, elle faisait des efforts incroyables pour toujours renvoyer une image parfaite. De toute manière elle ne laissait pas de place à la médiocrité, enviée et admirée elle devait être cette fille sous les projecteurs, elle devait être la meilleure partout et tout le temps, c’était le seul moyen qu’elle avait trouvé pour ne pas perdre pied. Si elle n’était pas la plus brillante, la meilleure des battantes, la plus couronnée de succès alors elle ne se reconnaissait plus. Présidente du comité des élèves, reine de promo, la queen bee par excellence c’était elle. Pourtant sous cette façade de jeune fille populaire à qui tout souriait se cachait une profonde solitude, un désir de reconnaissance si profond, se sentant rejetée depuis le départ de sa mère Alice avait besoin d’être aimer des autres, elle était dépendante de leurs attentions, elle recherchait sans cesse leur considération. Seul Seth, son ami d’enfance savait cela, mais hélas lorsqu’elle eu 15 ans celui-ci la quitta à son tour, une mort trop jeune, trop rapide, trop inattendu, des circonstances que l'on passera sous silence. Ce fut un drame pour la jeune fille, elle qui pensait le revoir le lundi matin en cours ne pu en réalité plus jamais revoir son visage, malheureusement pour elle elle n’aurait plus l’occasion de s’excuser auprès de lui ou lui dire combien il comptait à ses yeux et combien il l’avait aidé. Lorsqu’on lui annonça la nouvelle Alice ne pu le croire, elle se refusait à admettre cette réalité bien trop dure à ses yeux. Le choc que lui causa la nouvelle fut tel qu’elle s’empressa d’aller vomir dans les toilettes du lycée. C’était comme si tout son être rejetait cette perte, comme si son corps entier souffrait de la mort de Seth. Après l’enterrement Alice resta des semaines cloîtrée chez elle, refusant de sortir ou de parler à qui que ce soit. Elle n’arrivait pas à digérer le départ du jeune homme. Plus que le manque intolérable de sa présence c’est une culpabilité sans nom qui la rongeait de l’intérieur, quelque chose s’était brisé en elle ce jour là et rien ne pourrait le réparer.

La vie avait continué après, la vie continue toujours.
Elle te donne des raisons de pleurer et des raisons de rire. C'est une personne, la vie, une personne qu'il faut prendre comme partenaire. Entrer dans sa valse, dans ses tourbillons, parfois elle te fait boire la tasse et tu crois que tu vas mourir et puis elle t'attrape par les cheveux et te dépose plus loin. Parfois elle t'écrase les pieds, parfois elle te fait valser. Il faut entrer dans la vie comme on entre dans une danse. Ne pas arrêter le mouvement en pleurant sur soi, en accusant les autres, en buvant, en prenant des petites pilules pour amortir le choc. Valser, valser, valser. Franchir les épreuves qu'elle t'envoie pour te rendre plus forte, plus déterminée.

Le tout premier souvenir de lui est un regard. Un regard, ce n'est presque rien. Sans signification particulière, sans conséquence. Et c'est ce qui continue à la stupéfier, encore aujourd'hui : que l'existence d'un être puisse être bouleversée par quelque chose d'aussi éphémère, d'aussi périssable. Chaque jour, nous croisons des centaines de regards, dans la rue, dans le métro, au supermarché. C'est une réaction instinctive : vous remarquez quelqu'un en face de vous sur le trottoir, vos yeux se rencontrent une seconde et vous continuez votre chemin l'un et l'autre et c'est terminé. Pourquoi ce regard là aurait-il dû tant compter? Il n'y avait aucune raison et cependant... Il a tout changé, irrévocablement.

- C'est infernal tu passes tout ton temps avec lui maintenant ! soupira Alice à l'intention de sa meilleure amie Mia, cette dernière étant toujours fourré avec Aiden, un homme plus âgé qu'elle qu'elle avait rencontré quelques mois plus tôt. Cet homme Alice le connaissait, de loin tout du moins, car il s'est avéré qu'il était en réalité leur professeur de littérature à l'université. Ce n'était pas une situation des plus simples pour Mia alors Alice ne comprenait pas vraiment pourquoi cette dernière s'obstinait à le voir.
- Ce n'est pas vrai, et en plus il est d'une compagnie très agréable je te signal.
- C'est ton professeur je te rappelle.
- L'un empêche pas l'autre lui répondit-elle en lui tirant la langue, Alice laissa échapper un léger rire à cette mimique, elle ne pouvait pas rester fâcher contre Mia très longtemps de toute manière.
- Bonjour l'étique !
- Oh arrêtes de faire ta rabat-joie...J'ai une idée ! Et si je te le présentais ? Enfin, en dehors des cours je veux dire.
- Hahaha ! Ce n'est pas la meilleure idée que tu aies eu jusqu'ici Mia s'esclaffa-t-elle en avalant son jus d'orange.
- Bah quoi, c'est toi qui n'arrêtes pas de dire depuis le début du semestre oooh combien il est brillant, et intéressant, et que tu adores ses cours, ect...ect..tu fais son éloge sans arrêt t'as la mémoire courte dis donc !
- Non pas du tout !
- Oh mais si ! Pourquoi tu réagis comme ça, il te plait ou quoi ? Mia la regarda amusée car elle avait juste dis ça comme ça, un peu dans le vent, mais en voyant les joues de son amie s'empourprer elle devina aisément qu'elle avait mit dans le mille et ria de plus belle prenant une tête faussement choquée Mais c'est ça ! Il te plait ! Han j'y crois pas Alice qui craque pour son prof ! Comme quoi Miss perfection n'est pas si parfaite que ça ! Hahaha!
- Arrêtes ce n'est pas du tout ça ! Je ne vois pas de quoi tu parles essaya-t-elle de nier mais cela était un peu inutile, Mia la connaissait par coeur et elle savait parfaitement quand elle mentait. Cela dit devant tout l'enthousiasme de son amie Alice accepta sa proposition et c'est ainsi que tout commença...

Alice et Aiden accrochèrent presque instantanément, au délà de leur différence d'âge ils avaient de nombreux points communs et avaient les même avis sur bon nombres de sujets. C'est une véritable amitié qui naquit entre le professeur et son élève, Alice qui avait toujours trouvé les garçons de son âge puérils et complètement stupides avait tissé une réelle complicité avec Aiden. Au départ Mia, lui et elle sortaient beaucoup tous les trois et puis de fil en aiguille Alice a commencé à le fréquenter sans sa meilleure amie. Au départ ce n'était presque rien, elle l'avait croisé au cinéma, et puis ils étaient restés ensemble le reste de l'après-midi. Puis avec le temps ils se côtoyaient de plus en plus souvent, se retrouvant pour une exposition ou juste pour flâner dans les rues de Los-Angeles en dénichant quelques bons bouquinistes, parfois les cafés débouchaient sur des dîners et sans s'en rendre vraiment compte c'était toute une journée qu'ils se voyaient passer ensemble. Puis leur relation évolua, en quelque chose d'autre, quelque chose de plus ambigu, quelque chose de plus dangereux. Alice sentit des sentiments naître en elle à l'égard d'Aiden, sentiments qu'elle n'avait pas le droit d'éprouver, parce qu'il était plus âgé qu'elle et surtout car il était son professeur. Mia tenta de la prévenir de ne pas s'engager sur ce terrain glissant mais Alice ne pouvait pas se résoudre à couper les ponts avec Aiden, c'était déjà trop tard pour elle, parce qu'elle commençait à penser à lui tout le temps, avec le sourire, même ses défauts elle les appréciait et c'est là qu'elle se rendit compte qu'elle en était tombée amoureuse. Ce n'était pas raisonnable, c'était même complètement inconscient, jamais elle ne pourrait avoir une relation normale avec lui, Alice n'aimait pas vivre dans le secret, cacher des choses à ses amis, à sa famille, mais elle ne pouvait pas non plus s'empêcher d'être irrémédiablement attirée par lui. Pourtant ils n'avaient encore jamais franchis la limite, ils continuaient à se voir mais rien ne s'était passer entre eux, parce qu'Alice avait peur, elle était même terrifier par ce que cela entraînerait, c'était peut être un trop grand chamboulement dans sa vie ? Était-elle capable de l'assumer ? Elle ne voulait pas non plus prendre le risque de faire perde son poste à Aiden, elle savait combien il aimait son métier et elle ne voulait pas lui attirer plus de problèmes.