Chère Lili,
Tu me manques tellement. Je rêve de pouvoir te serrer dans mes bras, une dernière fois. Ou de simplement pouvoir prendre un café à tes côtés. Nos doux moments de complicité me manquent cruellement. La vie est faite ainsi, c'est malheureux mais tellement réel. On ne peut pas revenir en arrière, tu es la première à me l'avoir fait comprendre. Tu m'a tellement aidée par le passé, je me demande comment je vais réussir à vivre sans toi. Tu es partie et me voilà seule... Tu m'as appris à ne toujours compter que sur moi-même. Que les autres, c'est passager, les gens viennent et partent de notre vie sans qu'on s'en rende vraiment compte. C'est comme ça, on n'y peut rien. Sans toi, je n'aurais pas su faire face à la moitié des choses que j'ai traversées. Tu es ma sœur, ma sauveuse, mon tout.
Cette année, j'ai dû affronter tant de choses... Ton départ m'a anéantie. Je ne veux pas y penser. Pour moi, tu seras toujours dans mon cœur. Il y a eu
lui, comme tu te plaisais à l'appeler. Il m'a laissée tomber. Après mon accident, il n'a pas réussi à faire face. Il m'a abandonnée et j'ai encore du mal à ne pas penser à lui sans pleurer. C'est trop dûr. Comme si la vie n'avait pas été assez cruelle avec moi. Elle m'a enlevé une partie de mon audition, l'amour de ma vie, et ma sœur... Tiara ne comprend pas pourquoi je ne réponds plus tout de suite à ses appels. Elle me demande souvent comment j'en suis arrivée là. Je lui réponds que la vie ne m'a pas épargnée mais que j'essaye de faire face. Et que surtout, il faut qu'elle fasse attention le soir, lorsqu'elle sera plus grande, à ne pas sortir seule. Je lui explique tous les jours pourquoi il faut faire attention à tout. Pourquoi il est essentiel de se protéger.
Elle me demande également comment j'ai réussi à me remettre de l'accident. Je lui réponds en souriant que tu m'as aidée. Que tu es celle qui a tout fait pour moi. Celle qui a sacrifié sa vie pour la mienne. Je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait pour moi. Je sais que tu n'aimes pas quand je dis de telles choses, mais sans toi, je n'aurais pas survécu...
Tu m'as appris à aller de l'avant. Quand il est parti, j'ai cru tout perdre.. Tu m'as aidée à me reprendre. Mais il est parti si brutalement... Notre mariage était si jeune et frais... Je n'arrive toujours pas à croire que c'est arrivé... Nous étions jeunes, amoureux. Ce que je l'aimais, je l'aimais tellement... Il était l'amour de ma vie. Il m'a été arraché si violemment... Je ne crois pas un jour pouvoir m'en remettre... Tiara ne comprend toujours pas que son papa ne reviendra pas... Jamais... C'est tellement dur pour moi aussi... Le jour où son cancer l'a emporté, je me suis effondrée. Heureusement que tu étais là pour prendre soin de Tiara. Ma vie n'avait plus aucun sens sans lui. Je ne pouvais plus vivre alors qu'il s'était éteint... C'était vraiment très difficile et les mots me manquent pour t'expliquer ce qu'il représentait à mes yeux. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme lui. Il était si beau, si joyeux, si amoureux de la vie. On a vécu tant de choses ensemble... J'ai perdu ma virginité avec lui, il a même été le premier garçon que j'ai embrassé. Il était vraiment l'homme de ma vie. Je crois qu'aimer quelqu'un à ce point n'est possible qu'une seule fois dans la vie. On a tous une âme-soeur, pas deux. Mais bien-sûr, tu sais déjà tout ça... Il m'a été enlevé alors que nous venions tout juste d'accepter d'être tout l'un pour l'autre. Nous n'avions pas besoin du mariage pour ne faire qu'un, mais je voulais être uni à lui pour la vie. A la vie à la mort, comme on dit. J'ai l'impression de ne pas avoir vécu grand chose à ses côtés. Notre jeunesse ce n'est pas tant que ça... Tu peux voir que je ne m'en suis toujours pas remise, les larmes mouillant le papier te le montrent bien... Je ne m'en remettrai jamais...
Heureusement, il y a Tiara. Tu la verrais, elle a tellement grandi ! Elle a trois ans maintenant et elle si gentille, si attentive à tout ce qui l'entoure. Elle te ressemble. J'aimerais tant qu'elle me ressemble à moi aussi... Elle est si belle, j'aimerais que tu vois comme elle est belle ! Sa peau bronzée lui rappelle chaque jour qu'elle n'est pas d'ici mais c'est comme ça que je l'aime. J'attends toujours qu'elle me pose des questions sur son adoption, elle a d'autres choses en tête en ce moment... Elle va bientôt faire sa deuxième rentrée. Les enfants de l'école ne cessaient de lui demander pourquoi elle ne venait jamais avec son papa. C'est si triste. J'ai du mal à lui parler de son père. Je ne sais pas si tu sais, mais quand on l'a vu pour la première fois lui et moi, on a su que c'était elle. Elle et personne d'autre. Elle était notre fille, aucun doute là-dessus. Elle lui ressemble de plus en plus. Il serait tellement fier... J'espère qu'il nous observe de là haut et qu'il est fier de nous.
Le jour où il est parti, mon cœur s'est arrêté en même temps que le sien. Les médecins ont pourtant tout fait, tout essayé, c'était trop tard. Son heure avait sonné... C'est cruel... Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à lui. Tout, abolument tout me ramène à lui. Je respire pour lui. Chaque bouffée d'air que je respire est pour nous deux. Il fait partie de moi. Me dire que ce n'est pas le cas me tuerait. Je sais que c'est fou, mais je ne suis pas prête à le laisser partir une seconde fois...
Tu te rappelles de l'accident ? Bien-sûr que oui tu t'en rappelles... Je m'en souviendrai toute ma vie. C'était un lundi soir. Je rentrais chez moi après une soirée passée entre amies. Je ne pouvais pas rester dormir parce-que je devais rejoindre ma fille. Son père devait aller travailler, je suis donc rentrée pour prendre la relève. J'aurais mieux de ne pas sortir ce soir-là... Il ne se passe pas une nuit sans que je ne repense à ça... Tout s'est passé tellement vite... Je n'ai pas eu le temps de voir son visage. Tout ce qu'il voulait, c'était mon sac à main. Je ne l'ai pas entendu arriver, à cause de ma surdité partielle. Tu sais combien ça peut encore me porter préjudice malheureusement... Eh bien ce soir-là ne fait pas exception à la règle. Il m'a attaquée par derrière. Il a pris mon sac sans oublier de me frapper au passage. A croire que la vie s'acharne sur moi. Je n'aime pas me plaindre, tu sais comme je suis. Mais il arrive un moment où on lâche tout, un moment où on rend les armes. Tu sais à quel point je me suis laissée aller. Sans toi, je n'aurais jamais réussi à me relever. Tu m'as tellement aidée...
Bien-sûr, il n'y a pas eu seulement des mauvais moments. Il y a de la joie également, sinon la vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue. Si je devais faire le palmarès des meilleures journées de ma vie, je les classerais comme suit. La première serait la rencontre avec mon mari. Il faisait si beau et si chaud. Je sais, ça fait cliché. Mais c'est pourtant vrai ! J'ai tout de suite su en le voyant qu'il était fait pour moi. Pourtant, ça n'a pas été facile ! Il a tout fait pour que je le déteste. Mais j'ai appris à le connaître et finalement, j'ai toujours été amoureuse de lui.
En seconde position, je placerais mon mariage. Ca n'a pas été facile, comme on pourrait le croire. Harold était sur son lit d'hôpital. Nous n'avons pas pu inviter grand monde mais je m'en fichais. L'important était de se lier l'un à l'autre. Je l'aimais, je l'aime toujours, et voir dans son regard qu'il me le rendait était le meilleur des cadeaux.
L'adoption de Tiara vient ensuite. Quand on a appris qu'on allait avoir sa garde, Harold et moi étions aux anges. J'ai lu dans ses yeux que c'était l'un des plus beaux jours de sa vie. J'aimerais tant revivre ça...
Viennent après tous les moments que j'ai partagés avec toi. On s'est tellement amusées toi et moi. On a fait tellement de bêtises aussi. Je donnerais cher pour les refaire encore et encore.
Je n'oublies bien-sûr, aucun des merveilleurs moments que j'ai passés au côté de mon mari. Avant la maladie, car ensuite, c'était différent. On était heureux mais ce n'était plus pareil. La maladie a tout emporté avec elle...
Et maintenant, j'ai Tiara. Elle est si agitée et surtout très énergique ! Elle ne tient pas en place. Chaque seconde passée à ses côtés est un véritable bonheur. Je profte un maximum de chaque instant passé avec elle. Je sais à quel point la vie peut vite déraper...
Tu te rappelles le jour où papa et maman nous ont attrapées après notre « fugue » ? Pour moi, l'adrénaline montait à mesure que l'on s'éloignait de la maison. On était stupides à l'époque. J'aimerais tant que tu sois là pour revivre des instants tel que celui-ci...
A l'école, tout se passe bien. Mes élèves sont attentifs et aiment apprendre. J'ai de la chance. On pourrait croire qu'enseigner à des enfants sourds n'est pas facile, mais bien au contraire. Ils font de leur différence une force. Ils m'apprennent tellement de choses. Je suis très chanceuse d'avoir ce travail. En dehors de l'école, j'apprends à Tiara la langue des signes. Elle a encore des difficultés, c'est normal elle a seulement trois ans. Mais je suis sure qu'elle y arrivera. Peut-être même mieux que moi ! Elle est si douée en tout.
Mon psychothérapeute m'aide chaque jour. Enfin chaque mois, pour être précise. Il m'a conseillé de t'écrire cette lettre. D'après lui, ça va m'aider à avancer. Je suis son conseil, tu vois. Tu as touours été la seule à me conseiller, c'est pourquoi je doute un peu de ses méthodes. Mais j'ai envie d'y croire parce que tu le disais toi aussi : il faut surmonter les coups durs, apprendre à se relever, et avancer. Nous n'en serons que plus forts. La vie est cruelle, la vie est dure, la vie est injuste. Mais il faut faire avec, de toute manière, nous n'avons pas le choix. Ca aussi tu le disais souvent. Nous avions le même âge et ta as pourtant toujours été plus forte et plus mure que moi. Je t'enviais tu sais ? Je t'enviais tellement... J'étais jalouse de toi. Tu as toujours été si confiante. Tu avais tous les garçons à tes pieds, tu pouvais leur faire faire ce que tu voulais. J'ai été plus discrète, plus reculée. Tu étais la plus jeune mais la plus dévergondée. Tu savais ce que tu voulais et tu faisais tout pour l'obtenir ! Je t'admirais tellement... Tu étais mon modèle et nous étions pourtant les mêmes...
Je t'aime et je t'aimerai toujours petite sœur. Mon psy dit que dire au revoir est un premier pas. Je ne peux pas faire ça. Tu es partie il y a si longtemps pourtant... Je dois avancer. J'ai l'impression que dire au revoir revient à t'abandonner. Je sais au fond de moi que c'est stupide, mais c'est vraiment ce que je ressens... Je t'aime tellement sœurette. Je veux bien te dire à plus tard, mais pas d'au revoir, c'est au-dessus de mes forces... Alors à plus tard Lili.
Je t'aime.
Evanna
PS : excuse-moi pour les larmes ici et là. J'ai toujours été plus sensible que toi. Je sais que tu rigoles là-haut. Veille bien sur Harold.
© _Viviie.