Ce matin-là était comme tous les autres. Tout aussi difficile à encaisser. Ma matinée assez chargée, des cours pas de toute simplicité et j'avais accumulé un manque de sommeil dû à mes cauchemars des nuits précédentes. En plus, histoire de ne rien arranger, le pluie grondait de l'autre côté des baies vitrées du campus. Je n'aime pas la pluie, elle donne simplement envie de rester chez soi, sous la couette ou devant sa télévision et de ne rien faire de ses journées. Or quand vous allez à la fac et qu'il pleut c'est une autre histoire et bien moins marrante. Les chaussées sont glissantes, les gens n'hésitent pas une seconde à vous éclabousser et tout le monde est de mauvaise humeur. Et en effet, comme beaucoup de gens, je ne suis pas des plus souriantes quand il pleut.

La matinée était alors passée très lentement. Beaucoup plus lentement que les semaines dernières bizarrement et la pause déjeuner sauna comme une délivrance. Il était 13h lorsque je sortis du restaurant universitaire. Bien que le fait de manger m'avait fait du bien, je n'étais pas vraiment dans de bonnes conditions pour m'attaquer à d'autres cours cet après-midi. Mais il fallait dire que je n'avais pas vraiment le choix.

J'étais seule, comme à mon habitude, les couloirs étaient assez déserts, seules quelques personnes allaient et venaient à leur casier et un groupe de garçons à l'autre bout du couloir m'observait avec insistance. J'étais convaincue que j'allais y passer, que ça allait être à mon tour. Ça n'a pas loupé. Alors que je me cachais discrètement derrière ma porte de casier, un garçon du groupe est venu me voir pendant que j'étais en train d'y chercher des livres. Lorsque j'ai relevé la tête, j'ai sursauté en le voyant. Il a rigolé très fort et m'a fait une remarque, loin d'être des plus plaisantes et des mieux placées. Il m'a alors dit : « Bah alors ma jolie, faut faire attention un peu. Tu es libre ce soir pour que je t'emmène boire un verre histoire de me faire pardonner de t'avoir fait peur ? Ou un autre soir si tu veux, pour toi je serais toujours libre. », son petit clin d'œil laissait franchement à désirer. Je ne savais pas quoi dire pour qu'il me lâche. Je savais juste que je ne devais en aucun cas répondre oui sous peine de me retrouver piégée en tête à tête avec ce gros lourd. Je jeta un coup d'œil rapide autour de moi et par miracle un jeune homme traversait le couloir juste à côté de moi. Je ne réfléchis pas une seule seconde et l'emporta vers moi par le bras. Ce que je craignais arriva tout de même, il me demanda ce qui me prenait.

C'était parti, le moment de montrer au grand jour mes talents d'actrice. Je répondis donc à son mécontentement d'avoir été ainsi abordé:

- A mon cœur te voilà enfin, je te cherchais partout. Figures-toi que ce jeune homme en face de nous vient de me proposer de sortir avec lui, marrant non ? Je faisais évidemment exprès d'en faire deux tonnes et d'en rajouter.

Je m'adressa ensuite au garçon qui m'avait accosté et lui dis :

- Comme tu le vois, et j'en suis navrée, mais je suis déjà prise ce soir, et tous les autres soirs aussi malheureusement. Il va falloir que tu te trouves quelqu'un d'autre.

Le garçon reparti les épaules basses et le visage peiné de s'être fait rembarré de la sorte. Moi j'étais très fière et le jeune homme à mes côtés était apparemment amusé de cette scène. Quand je me retourna face à lui je remarqua enfin qu'il était réellement très beau, avec un charme fou. J'étais alors impressionnée d'être tombée sur lui par pur hasard.

Aaron au contraire d'April adorait la pluie. Il appréciait particulièrement son bruit. Il n'aimait pas franchement être complètement trempé, mais il préférait de loin une bonne pluie à une chaleur écrasante. Il n'était pas particulièrement de bonne humeur ce jour là, ni de mauvaise à vrai dire. Aaron était comme ça, il n'avait jamais vraiment quelque chose qui allait ni vraiment quelque chose qui n'allait pas ... Bref.

Sa matinée avait été banal, les cours, la confrérie. Il avait déjeuné dans la maison de sa confrérie, il avait pas mal trainé devant les nombreux jeux vidéos qui s'y trouvaient (confrérie de mecs normal !) et puis il avait rejoins le couloir des casiers pour aller à son premier cours de l'après midi qu'il appréciait particulièrement. Mais une situation vint bouleverser tout son programme.

Il n'avait même pas remarqué cette fille en fait. C'est vrai qu'elle était très jolie, sous ses épaisses lunettes noires elle avait de très jolies yeux. Mais le garçon n'était pas du genre à "mater" les filles, et il n'était pas particulièrement dragueur non plus. Pas comme cet espèce de lourdeau qui venait d'aborder la jeune femme. Aaron avait presque sourit lorsqu'il avait entendu sa maladroite façon de la draguer. Mais il ne put faire un pas de plus, il se fit happer, et bientôt de retrouva dans une situation étrange. La blonde l'appelait soudainement "mon cœur" et Aaron étouffa un gémissement manifestant son mécontentement, mais apparement il devait entrer dans son jeu et c'est ce qu'il fit.

Marrant ? Hilarant même, tu crois franchement qu'une fille pareille est encore seule ? Ah ! Tu crois surtout qu'un mec comme toi pourrait l'avoir ?
Il présenta sa pseudo petite amie de haut en bas. Le type se découragea et partit malheureux retrouvé son groupe d'amis.

La blonde se retourna vers lui.

Alors comment j'étais ? souffla t il faussement crâneur. Aaron fut surprit de voir qu'il n'avait pas engueuler la jeune femme, c'est une chose qu'il faisait habituellement. Aaron n'est pas franchement du genre aimable, salut comment tu t'appelles et tous ces blablas ordinaires.

Il faut avouer que j'ai bien aimé le voir fermé le clapet de l'autre gus en face. Surtout en lui disant qu'il était impossible qu'il soit un jour avec une fille comme moi, c'était très flatteur, même si je savais que c'était de la comédie. J'étais également très étonnée qu'il joue le jeu et qu'il se fasse passer pour mon petit-ami. C'était gentil de sa part, surtout que n'importe quel autre garçon aurait tracé sa route me traitant de folle alliée. J'étais tombée sur lui au bon moment, au bon endroit, coup de chance. Vu la réponse qu'il avait adressé à notre camarade, je me doutais qu'il devait avoir un fort caractère, bien trempé comme on dit, qui n'est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, ni même à vouloir se faire des amis. Mais à vrai dire je m'en fichais pas mal de son caractère, il avait juste réussi à me redonner le sourire pour la journée que cette pluie incessante m'avait enlevé. Lorsque je m retourna vers lui il me demanda comment il avait été, si il avait bien joué la comédie ou pas. Il avait pris une allure de mec très fier de lui et qui s'en vante, même si je savais bien que ça aussi c'était de la comédie. Il me faisait tellement rire avec sa gueule d'ange et son caractère de vrai mec sous ses faux airs de crâneur. Trois caractéristiques totalement différentes, regroupées sous un seul et même homme. C'était surprenant de voir à quel point trois facettes de lui se chevauchaient mais ne se ressemblaient pas. J'étais perplexe. Et maintenant j'en étais même mal à l'aise d'avoir été ainsi déstabilisée par ma propre remarque. Fichue manie de toujours vouloir analyser les gens. Ça me coûtera cher un jour. Je lui répondis alors avec une petite voix :

- Tu as été très bien il faut dire. Comment est-ce que je pourrais te remercier d'avoir fait ça pour moi ? Au fait moi c'est April, mais c'est sans importance.

Il resta muet un court instant, en pleine réflexion, puis me fit un léger sourire en coin. Je me demandais bien ce qui pouvait lui passer par la tête.